vendredi 26 mars 2021

Le coup de coeur de Julia de Funes

 Tous les jours dans votre Europe Soir, un éditorialiste a carte blanche pour évoquer un thème lié à l'actualité. Aujourd’hui, la philosophe Julia de Funès revient sur le mea culpa d'Angela Merkel et d'Emmanuel Macron. 


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jeudi 25 mars 2021

Luc Ferry et la mythologie

Livre : "La Sagesse des mythes", une collection sur la mythologie de Luc Ferry

Isabelle Layer a reçu Luc Ferry. Ancien ministre de l'Éducation, il est l'auteur d'une série de bandes dessinées intitulée "La Sagesse des mythes". 
Luc Ferry, ancien ministre de l'Éducation nationale, était l'invité d'Isabelle Layer dans le 23 heures de franceinfo. Il est l'auteur de la collection "La Sagesse des mythes", dont deux bandes dessinées sortent ce mercredi. "La mythologie raconte des histoires. Elle est très visuelle, j'ai tenu à ce que les dessinateurs, il y en a une dizaine, regardent l'iconographie de l'époque pour que tout soit absolument et intégralement fidèle à ce à quoi ressemblait le monde grec au VIIIe siècle avant Jésus-Christ", explique Luc Ferry. 
Des mythes qui font écho à l'actualité 
"Pour le texte, je suis toujours parti des premières matrices, c'est-à-dire des premières versions grecques des mythes", confie l'auteur. Des histoires anciennes qui font écho à l'actualité, "on retrouve ça dans l'écologie avec l'idée que l'homme Prométhée est en train de détruire la planète".


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mercredi 24 mars 2021

Idriss Aberkane : "Comment muscler votre cerveau ?"

 Sa thèse a été en partie rédigée à Shanghai, Johannesburg, Istanbul, San Francisco… et Parthenay.

Idriss Aberkane se présente sur son site Internet comme un “chercheur industriel”, un “consultant”. Il est le patron fondateur de plusieurs entreprises de formation et de recherche pour “des grands groupes”. Il a notamment “défendu trois doctorats”, mais pour lui “ce n’est pas grand-chose du tout” car il aime ce qu’il fait.


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mardi 23 mars 2021

Noreena Hertz : the lonely century

A bold, hopeful, and thought-provoking account by "one of the world's leading thinkers" (The Observer) of how we built a lonely world, how the pandemic accelerated the problem, and what we must do to come together again

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Alors que la pandémie s'éternise, le sentiment de solitude s'accentue partout dans le monde. Et certains redoublent de créativité pour y remédier.

Après plus d’un an de pandémie, deux confinements et demi et de nouvelles habitudes « sans contact », la crise du Covid-19 se double d’une pandémie de solitude. En France, près d’une personne sur cinq (18%) se sent seule, indique une étude Ifop pour Astrée parue début 2021. C’est cinq points de plus que le niveau d’avant-crise, mesuré en 2018. Des chiffres similaires s’observent un peu partout dans le monde. Au Royaume-Uni, 25% de la population faisait état d’un sentiment de solitude fin 2020. En février 2021, le Japon a même créé un Ministère de la Solitude pour faire face à une augmentation des suicides.

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jeudi 18 mars 2021

André Comte-Sponville "Que le meilleur gagne !"

 Au tir à l'arc, tant que j'espère atteindre la cible, j'ai peur de la rater : me voilà séparé du bonheur par l'espérance même qui le poursuit. La flèche n'est pas encore partie ; je voudrais être déjà sur le podium ! Le sage, lui, n'espère rien ; il veut seulement viser bien. Or c'est ce qu'il fait. De quoi aurait-il peur ? Il est sans pression, à fois concentré et détendu. C'est pourquoi, disent les textes zen, "il atteint un pou en plein cœur'. 



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mercredi 17 mars 2021

"Bienvenue à Woven City, la ville high-tech de Toyota"


Au pied du Mont Fuji, au Japon, Woven City vise la neutralité carbone, en combinant architecture traditionnelle et technologie de pointe. Ses multiples capteurs promettent aussi de simplifier toutes les corvées domestiques des habitants.

Toyota vient de lancer les travaux de construction de sa smart city, à Susono, au pied du Mont Fuji, au Japon. Elle prendra vie sur son ancien site de production, d’une surface de près de 710 000 m2.


Baptisée Woven City, “la ville tissée”, elle entend accueillir 2000 habitants, “une population hétérogène, composée de personnes âgées, familles avec jeunes enfants, etc”, a annoncé le service communication de Toyota, “pour expérimenter en situation réelle, évaluer et développer des technologies du futur comme les véhicules autonomes, la robotique, les smart homes”.

Inaugurée le 23 février, jour du Mont Fuji, symbole d’harmonie et de bonheur, la smart city de Toyota espère prouver que le progrès technologique peut servir la santé des hommes et de la planète. La smart city vise notamment la neutralité carbone. Avec ce projet Toyota promet aussi de garantir le “bonheur” de ses employés et de leur famille dans la durée.

Toyota partagera la gestion de sa smart city avec des entreprises partenaires, comme le géant télécom Nippon Telegraph & Telephon Corporation. Pour dessiner la ville, le cabinet d’architecture danois Bjarke Ingels Group (BIG), maître d’œuvre, s’est inspiré des “superblocks” de Barcelone, des blocs d’immeubles de 3×3.

Il a relié les pâtés de maisons – huit smart homes autour d’une cour végétalisée – par trois voies de circulation : un “sentier” pour les piétons et la faune, une “promenade” pour les deux roues, et une route pour les véhicules autonomes dédiés à la logistique de Woven City (ravitaillement, service de navettes, ambulances, etc.) Quelques uns des “sentiers” s’échapperont de la ville, couloirs écologiques reliant le Mont Fuji à la vallée de Susono.

https://www.wedemain.fr/inventer/bienvenue-a-woven-city-la-ville-high-tech-de-toyota/?utm_source=sendinblue&utm_campaign=Newsletter_du_1703&utm_medium=email




Progrès ou innovation : temps constructeur ou temps corrupteur

 « Le progrès suppose que le temps est constructeur ; l’innovation qu’il est corrupteur »

Le progrès technique a contribué à améliorer notre santé, notre mobilité et notre compréhension du monde. Mais de plus en plus de citoyens élèvent leurs voix contre une course à l’innovation qu’ils jugent de moins en moins compatible avec un futur radieux. Comment réconcilier innovation technique et progrès de société ? C’était l’objet de la dernière table ronde Longue-Vue organisée par la Cité de l’Économie et des Métiers de Demain d’Occitanie.

Un bug dans la trajectoire des Lumières

Pour discerner l’avenir, il faut parfois tourner sa longue-vue vers le passé. Que penseraient Diderot, D’Alembert ou Condorcet s’ils nous voyaient aujourd’hui ? Cette question, le physicien et philosophe des sciences Étienne Klein se l’est déjà posée. «  Imaginez une capsule temporelle, glisse-t-il au public. Dans cette machine à voyager du passé vers le présent, plaçons les philosophes du XVIIIe siècle et invitons-les dans une visite guidée de notre présent ». À cette occasion, raconte-t-il, ils découvriront un monde dans lequel l’enseignement est accessible à tous et obligatoire et où le calcul matriciel s’apprend dès 17 ans, un monde où des laboratoires ont appris l’existence des particules élémentaires, un monde dans lequel la révélation de l’électromagnétisme a fait naître des téléviseurs qui connectent désormais l’ensemble des foyers au monde… «  Ils vont trouver ça incroyable, voire au-delà de leurs espoirs, n’est-ce pas ? » 

Mais que vont-ils penser, continue-t-il, lorsqu’ils découvriront que les téléviseurs ne diffusent pas les cours du collège de France mais des programmes commerciaux ? Que vont-ils se dire lorsqu’ils verront que des individus sont allés sur la Lune alors que d’autres dorment encore dans la rue au milieu de l’hiver ? « Ils ne vont pas comprendre les raisons d’autant d’opportunités manquées, tranche Étienne Klein. Il y a eu ce qu’on pourrait appeler une allotélie, c’est-à-dire que le but visé n’a pas été atteint ».

Telle est la trajectoire du progrès : une prouesse technique ne se traduit pas systématiquement en bénéfices pour l’humanité. À son époque, D’Alembert écrivait dans l’Encyclopédie que le savoir des géomètres (donc des mathématiciens) était « peut-être le seul moyen de faire secouer peu à peu à certaines contrées de l’Europe, le joug de l’oppression et de l’ignorance profonde sous laquelle elles gémissent ». Une approche sous-entendant naïvement un embrayage automatique entre progrès scientifique, politique et moral. Et auquel Étienne Klein rétorque : « Il est clair que D’Alembert n’a pas connu la Corée du Nord et ses excellents géomètres  ». 


Progrès ou innovation : temps constructeur ou temps corrupteur

Pourquoi l’innovation technique n’est-elle pas synonyme de progrès de société ? Pour le comprendre, Étienne Klein sort ses cartes fétiches : l’étymologie et la sémantique, et s’attarde plus particulièrement sur l’évolution des mots « progrès » et « innovation ». « À l’origine, le mot « progrès » a une connotation spatiale et militaire – on dit que les armées progressent », introduit-il. Le progrès avance donc avec une destination et un objectif donné. Et le physicien de citer Kant qui, dès 1784, expliquait que le progrès est une idée « consolante » : d’abord parce qu’elle envisage un futur meilleur, et donc une solution aux maux du présent ; ensuite parce qu’elle donne un sens au sacrifice qu’elle impose, c’est à dire au travail que demande le progrès pour advenir. « Croire au progrès c’est configurer le futur à l’avance de manière positive et constructive, c’est relativiser le négatif en sachant que tout n’est pas condamné à aller toujours mal, et que le négatif est ferment du meilleur  » conclut Étienne Klein. 

Le mot « innovation », lui, vient du vocabulaire juridique, et désigne un « avenant » apporté à un contrat déjà signé pour qu’il demeure valide alors que quelque chose a changé. « L’innovation, c’est donc ce qu’il faut faire pour que rien ne change, c’est donc un principe de conservation » analyse-t-il. Machiavel insère par la suite le mot dans un contexte politique en précisant que le Prince ne doit pas innover, sauf si son pouvoir est menacé. Le mot est ensuite inséré dans le monde de la technique par Francis Bacon, qui dit que le temps qui passe est corrupteur, et qu’il faut innover pour lutter contre ses effets négatifs. « On passe donc d’un temps constructeur (avec le progrès) à un temps corrupteur (avec l’innovation)  ». 

https://www.citedeleco.laregion.fr



Serge Guérin: "Du papy-boom au mamy-boom"

 

Bénéficiant d'une espérance de vie supérieure à celle des hommes, les femmes, l'âge avançant, constituent la majorité des retraités. Une longévité qui n'est pas exempte d'inégalités.



Très souvent, pour décrire la transition démographique, les commentateurs, invoquent le passage du "babyboom" au "papy-boom". Il faudrait rappeler que la majorité des aînés sont des femmes, comme la plupart des professionnels de l’accompagnement des plus fragiles (85% des salariés à domicile et en Ehpad). Soulignons aussi que les proches aidants sont à plus de 60% des aidantes. Sans elles, le système de santé s’écroulerait. Rappelons, enfin, que les retraitées forment les bataillons du bénévolat associatif.

Ce sont les femmes qui soutiennent la séniorisation de la société. Ce sont elles qui sont en première ligne.

Ce sont elles qui assurent les fins de mois de la solidarité sociale. Bref, il s’agit plus d’un "mamy-boom" que d’un "papy-boom"… Reflet des inégalités de carrières, la situation de la très grande majorité des retraitées d’aujourd’hui n’est guère brillante, avec une pension moyenne de 1100€ par mois. Voilà qui balaie les propos lapidaires sur les privilèges des seniors… Les femmes qui ont avancé en âge sont celles qui font avancer le pays. Merci Mesdames. Chapeau bas.

https://www.notretemps.com/retraite/actualites-retraite/serge-guerin-mamy-boom,i239113?ref=mea


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mardi 16 mars 2021

NICOLAS BOUZOU : BFM BUSINESS

 

Nicolas Bouzou: "on a tout en France. Startups, labos, secteur publique... et on en tire pas les bénéfices"

Nicolas Bouzou, Economiste et Directeur du cabinet de conseil Asterès, lors de notre émissionspéciale "Recherche, biotech: le défi français"


https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/nicolas-bouzou-on-a-tout-en-france-startups-labos-secteur-publique-et-on-en-tire-pas-les-benefices_VN-202102170383.html


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jeudi 11 mars 2021

Axel kahn : "et le bien dans tout çà ?"

 

« “Sois raisonnable et humain !” m’a lancé Jean Kahn, mon père, avant de se donner la mort. Ai-je bien suivi ce fil d’Ariane qui m’a été offert ? Lorsque beaucoup du ruban de la vie a déjà été déroulé, on se retourne parfois pour en juger l’aspect. J’en ai ressenti le besoin pour apprécier la cohérence d’un parcours, confronté aux questions, situations, dilemmes, engagements et combats auxquels j’ai été mêlé."

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mercredi 10 mars 2021

Julia de Funès: «Quand le tribunal de la bien-pensance remplace la justice»

Docteur en philosophie et diplômée d’un DESS en ressources humaines, Julia de Funès a publié  «Développement (im)personnel, le succès d’une imposture» (Éditions de l’Observatoire, 2019).


Pour les assermentés de la bien-pensance, qui désapprouvent la chasse réelle mais raffolent de la proie symbolique, les trophées se multiplient comme des petits pains. Les grandes légendes tombent une à une. Tantôt les écrivains, tantôt les philosophes, les compositeurs, les réalisateurs, les peintres, les poètes, les chanteurs, les ministres, les présidents de la république, tout le monde y passe, surtout les hommes d’exception.

Au maintien en vie de ce qui est beau, on préfère la mise à mort par ce qui est moche. Le plaisir n’est plus à l’admiration, à l’inspiration, mais au jeu de massacre. On se réjouit de débusquer, de souiller, de lyncher.

L’expédition punitive s’effectue en trois temps. Le premier est celui du repérage de la proie. Celle-ci se débusque le plus souvent au sein d’une élite. Terrain de chasse privilégié pour les prédateurs égalitaristes immédiatement alléchés par celui ou celle qui se différencie par une quelconque supériorité. Les privilèges de naissance étant abolis depuis longtemps, c’est à ceux du mérite qu’il est désormais bon de s’attaquer.

Notre époque fait de ses valeurs des principes rétroactifs. Les faits n’ont plus de contexte, l’histoire n’est plus qu’une contingence.

Rien, pas même le labeur personnel ne justifie une quelconque différence d’appréciation pour les petits qui se sentent grandis de dégrader les grands. Une fois repéré, le gibier se trouve pris dans les mailles étroites de nos nouvelles valeurs. «On devient moral dès qu’on est malheureux» disait Proust.

Notre période est si malheureuse qu’elle ne se contente pas de moraliser le présent. Elle fait de ses valeurs des principes rétroactifs au point que les mœurs n’ont plus de dates, les faits n’ont plus de contexte, l’histoire n’est plus qu’une contingence. Après la prise en élite et l’essorage moral, vient le troisième temps, celui de la justice. On pourrait espérer que le tribunal de la bien-pensance se fasse supplanter par le professionnalisme et la rigueur d’un tribunal de droit. Mais cette semaine, nous avons vu une toute autre réalité de la justice.

https://www.lefigaro.fr/vox/societe/julia-de-funes-quand-le-tribunal-de-la-bien-pensance-remplace-la-justice-20210310


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lundi 8 mars 2021

Franck Ferrand : "Portaits et destins"

 Conteur d’histoire, écrivain et conférencier au public fervent, Franck Ferrand peut être écouté chaque matin sur Radio Classique de 9h à 9h30 dans «Frank Ferrand raconte». Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont le Dictionnaire amoureux de Versailles (Plon, 2013), et publie portraits et destins (Éditions Perrin, mars 2021, 300 p. 17€).


FIGAROVOX.-Dans votre nouveau livre, «Portraits et destins», vous racontez vingt histoires, de la bataille de Salamine aux premiers pas de l’homme sur la Lune. Existe-t-il un lien entre ces épisodes?

Franck FERRAND.-Ce qui les relie les uns aux autres se trouve moins dans les sujets que dans la façon de les envisager et de les traiter. Tous ces moments d’histoire, je les ai d’abord écrits pour le magazine Historia, avec la double ambition d’instruire et de distraire.

Enfant, c’est de la lecture ce magazine que s’est nourrie ma passion pour l’évocation du passé, à l’école de maîtres comme Decaux et Castelot, bien sûr, mais aussi Erlanger, G. Lenotre ou le duc de Castries... Tous étaient attentifs, avant tout, à maintenir et soutenir l’attention du lecteur, mais sans rien concéder à l’exactitude et à la clarté.

Chaque évocation, par ailleurs, se devait de tendre vers une forme de synthèse, tout au moins vers un archétype... Plus j’avance dans ce métier et dans la vie, plus je me dis qu’il n’existe pas de meilleure école.

En rappelant l’extraordinaire envergure du personnage de Colbert, l’on comprend l’aberration que pourrait constituer le fait de « déboulonner sa statue ».

Vous racontez notamment l’épopée d’Alexandre de Macédoine qui fut en quelque sorte la première figure du conquérant victorieux. Pour reprendre votre terme, à quel archétype son parcours se résumerait-il?

La vie du grand Alexandre a été, de diverses façons, vouée à la notion de dépassement. C’est ce qu’il y a, au fond, de fort peu grec chez ce Macédonien. L’influence de sa mère Olympias, sans doute… Son ambition ne connaît pas de limite, jusqu’à l’hybris des dernières années. Certains préféreront peut-être retenir son rêve de synthèse Orient-Occident, rêve avorté de son vivant, et jamais abouti nulle part, depuis. Alexandre n’en reste pas moins un personnage fascinant, très agréable à ressusciter.

Vous avez montré, dans de précédents ouvrages, que la controverse vous effrayait peu. Votre portrait de Colbert est-il une réponse à ceux qui voudraient le réduire au Code Noir, et en profiter pour déboulonner sa statue?

Il me semble que l’ignorance est le terreau sur lequel peut prospérer cette cancel culture qui nous vient d’outre-Atlantique. Pour ce qui est du Code Noir, il suffirait ainsi de le remettre dans son contexte pour comprendre qu’en ce temps-là, et quelles qu’aient pu être les horreurs de la Traite négrière, il marquait plutôt un progrès dans la manière de considérer les esclaves.

Plus généralement, en rappelant l’extraordinaire envergure du personnage de Colbert, au regard de son activité presque surhumaine, par le recensement aussi de tout ce que lui doit une France alors à son apogée, l’on comprend l’aberration que pourrait constituer le fait de «déboulonner sa statue». Mais peut-être est-il plus facile, et plus productif pour certains, de s’en tenir à la surface, à la légende…

En 2021, nous devrions fêter le bicentenaire de la mort de Napoléon, mais là aussi, des polémiques apparaissent. Aujourd’hui, est-il si difficile de resituer un personnage historique dans le contexte de son temps, et d’essayer comprendre son action, autrement qu’à l’aune de nos concepts moraux actuels?

Vous avez identifié le problème. C’est ce que les historiens appellent la téléologie: une faute de méthodologie, pour ne pas dire de simple logique, consistant à envisager un événement à la lumière de ses suites. De là à porter sur telle ou telle figure de l’Histoire un jugement motivé par des valeurs anachroniques, il n’y a qu’un pas, vite et bien franchi…

J’ose espérer que les célébrations du Bicentenaire de la mort de Napoléon, déjà grevées par le contexte sanitaire, seront quoi qu’il en soit à la hauteur du personnage.

Comme dans le cas de Colbert que l’on voudrait réduire au Code Noir, certaines associations aimeraient anéantir l’ensemble de l’immense héritage napoléonien, au prétexte que Bonaparte a formellement rétabli l’esclavage...J’ose espérer que les instances officielles sauront déjouer le piège, et que les célébrations du Bicentenaire, déjà grevées par le contexte sanitaire, seront quoi qu’il en soit à la hauteur du personnage. Disons que nous allons avoir sous les yeux un test des plus significatifs.

Souvent, une évocation historique est pour vous l’occasion de redresser une idée fausse ou que, en tout cas, vous considérez comme telle. Dans ce livre, vous tentez ainsi de rendre justice au malheureux président Deschanel…

Si toutes ces années de pratique m’ont appris une chose, c’est que les réputations historiques doivent souvent moins à la réalité qu’aux jugements portés par les chroniqueurs et par les biographes d’autrefois. Par exemple, le fondateur de la dynastie carolingienne, Pépin le Bref, a plus de mérites, à tout prendre, que son fils Charlemagne.

Pourquoi dès lors ne parle-t-on, toujours et partout, que du second? Parce que Charles s’était assuré les services d’un talentueux hagiographe, Éginhard, précaution que Pépin, son père, avait négligée…

Les réputations historiques doivent souvent moins à la réalité qu’aux jugements portés par les chroniqueurs et par les biographes d’autrefois.

Dans le cas du président Paul Deschanel, victime à l’Élysée de ce que nous appellerions un burn out, et tombé du train présidentiel sous l’effet, probablement, d’un syndrome d’Elpénor, les échotiers et les chansonniers de 1920 l’ont fait entrer dans les annales sous les traits d’un fou, d’un paltoquet ridicule ; cela vous paraîtra suspect, si l’on vous rappelle qu’il avait eu le mauvais goût de voler l’élection présidentielle à un certain Georges Clemenceau, le Père-la-Victoire…


https://www.lefigaro.fr/vox/histoire/l-ignorance-de-l-histoire-est-le-terreau-sur-lequel-progresse-cette-cancel-culture-qui-nous-vient-d-outre-atlantique-20210305




Sense Agency célèbre la journée des droits des femmes





 

Axel Kahn : vaccination, pass sanitaire, dépistage de masse

L'espoir d'une sortie de crise

Comment l’épidémie a-t-elle impacté les principes éthiques de notre société ? Au delà de la question morale, faut-il viser une vaccination de toute la planète pour diminuer ce risque des variants ? Quelles leçons la médecine peut-elle tirer ?


Ce week-end semble marquer un tournant dans l’épidémie :  les confinements sont désormais territoriaux et la campagne de vaccination, considérée par l’exécutif comme seule issue de crise, s’accélère. Alors que la France privilégie la stratégie “stop and go”, d’autres pays n’ont qu’un seul objectif : zéro covid sur leur territoire. Ailleurs, dans les régions les plus pauvres du monde, la concrétisation des grands discours sur l’égal accès au vaccin se fait encore attendre. 

Axel Kahn, médecin et généticien, président de la Ligue contre le Cancer, auteur de “Et le bien dans tout ça ?”, éd. Stock (2021).

Des défauts de la campagne de vaccination européenne

Depuis décembre, le discours a été changé, la procédure allégée en France. Maintenant les limites que l’on connaît sont européennes, non pas françaises. Pourquoi l’UE a-t-elle négocié aussi chichement la fourniture de doses ? 

La commission a eu raison de préserver la sécurité des citoyens en négociant le plus juste prix mais il y a un déséquilibre en défaveur de l’urgence de vacciner. 

La France doit intervenir au niveau de l’UE pour accélérer les choses, mais non pas contribuer à affaiblir l’union et l’organisation européenne. 

La question du vaccin AstraZeneca

Le vaccin AstraZeneca est disponible, il protège presque à 100% contre les formes graves et à 80% contre les tout-venant. L’inconvénient est qu'il entraîne fréquemment chez les plus âgés des signes secondaires bénins mais marqués. C’est vrai que les vaccins ARN qui sont prodigieux, sont peu plus efficaces et plus tolérés. 

Pour Sanofi il y a eu une erreur de jugement, incontestablement, et il faut être sévère. En 2019 le partenaire de BioNTech c’était Sanofi. Et s’il avait su évaluer la situation, BioNTech n'aurait pas vendu son brevet sur l’ARN à Pfizer. Il s’agit d’un incident industriel lié sans doute à une importante erreur de management. 

Comment gérer l'arrivée de nouveaux variants ?

En mai 2020 je ne pensais pas qu'il serait si difficile de faire disparaître le coronavirus. Je ne pensais pas qu’il développerait des variants aussi coriaces. Il est certain que l’émergence des nouvelles souches modifie la donne.

Le scénario le plus probable est qu'on arrive à gagner une bataille importante mais toujours sous la menace d’une reprise épidémique avec l’apparition de nouvelles souches résistantes à l’immunité antérieure. Le scénario où on devra se faire vacciner tous les ans est possible. 

La technologie ARN dans le traitement du cancer

L’ARN pourrait être une solution pour le cancer. D’ailleurs BioNtech et Moderna ont d’abord développé l’ARN pour le cancer. L’ARN ne va pas changer fondamentalement les conceptions que l’ont a aujourd'hui de lutte contre le cancer mais un moyen supplémentaire de lutter. Il n’y a pas de voie conceptuellement nouvelle dans la lutte contre le cancer. 

Pour une vaccination obligatoire ? 

Est-ce que les soignants doivent se faire vacciner ? Ma réponse, sans ambiguïté, ni hésitation, est oui pour deux raisons. D’abord ça les protège et ensuite la vaccination protège beaucoup contre la contamination, donc ils protègent aussi leur patient. Le nombre de contamination à l’hôpital a explosé. C’est un devoir moral pour eux. C’est aussi un devoir professionnel de se faire vacciner. 

Mais je ne suis pas sûr qu’obliger la vaccination soit efficace. Ça ne me choquerait pas en France mais il faut prendre en compte l’état de l’opinion et je ne suis pas sût que cette obligation obtienne de meilleures résultats qu’une persuasion et une acceptation en conscience des soignants. 

Le débat pour un pass sanitaire doit être mené et pour l’instant je n’y suis pas hostile. Pour que le passe sanitaire soit déployé il faut que toutes les personnes qui le souhaitent puissent être vaccinées. Ensuite il faut que les personnes qui refusent puissent le faire en connaissance de cause. Dans ces conditions là, si les choses sont parfaitement claires, le pass sanitaire doit reposer sur la responsabilité des personnes qui ont choisi de ne pas se faire vacciner. 

https://www.franceculture.fr/emissions/linvitee-des-matins/vaccination-pass-sanitaire-depistage-de-masse-lespoir-dune-sortie-de-crise-avec-axel-kahn


France Culture laisse parler les femmes

 Une série documentaire en huit épisodes qui donne la parole à une centaine de femmes de tous âges, de classes sociales diverses, à travers tout le territoire et qui interroge la place des femmes en 2021. A découvrir dès le 8 mars.


Au départ, il y a un élan. Une envie d'aller rencontrer d'autres femmes pour comprendre leur place dans le monde. Elles, ce sont des adolescentes que l’on espère voir grandir dans une société différente, des dames qui ressemblent à nos grands-mères, ou d’autres qui ne se disent pas féministes.

Puis il y a eu des trains et des bus. Des montagnes d’été, des mers d’hiver et des champs d’automne. Des âges à un chiffre, à deux et même, à trois chiffres. Des femmes qui se lèvent tôt et d’autres qui se couchent tard.

Elles sont un jour dans la queue du bar. Un autre, côte-à-côte au bac à shampoing. Elles glissent sur le grand toboggan du parc. Font des vagues à la plage et changent les règles des cours d'école. Et puis un jour... Elles ne courent plus mais l'emportent à coup de "belote et rebelote". Elles sont tantôt au travail, tantôt avec des ami(e)s. Là pour elles-mêmes, ou leur famille... On les dit habitantes des régions ou citadines. Elles se connaissent parfois, ou se croisent seulement. 

https://www.franceculture.fr/emissions/laisse-parler-les-femmes

vendredi 5 mars 2021

Jacques Attali : témoignage

 Cette semaine, pour la première fois depuis un an, j’ai repris un avion.  Un long courrier.  Pour aller en Asie. Puis un autre, pour en revenir, très rapidement.

Je n’étais pas revenu dans un aéroport depuis douze mois, au retour d’une réunion dans la Silicon Valley, sans imaginer que je n’y reviendrai pas pendant si longtemps.

En route pour Roissy CDG, il y a quelques jours, je me demandais ce que j’allais ressentir en arrivant dans ce lieu antérieurement si familier ; et en quoi cette longue absence, cette longue abstinence, aurait modifié mon regard sur les voyages aériens et sur les voyages en général.

Il ne m’a fallu que quelques minutes, après mon entrée à l’aéroport, pour comprendre que je ne ressentais aucun sentiment particulier. Que ce voyage tant attendu n’était rien d’autre qu’un voyage de plus. Que la longue parenthèse était effacée en quelques instants. C’est comme si j’étais venu là quelques jours avant et non pas douze mois plus tôt. Comme si cette année si particulière, et qui ne fut pourtant pas du tout vide pour moi, apparaissait cependant assez fade pour ne plus être qu’un intervalle sans durée et qu’une amnésie avait frappé mes souvenirs de ces longs mois contraints à la sédentarité.

Cette sensation fut, au début, comme une déception : quoi, moi qui aime tant les voyages, voilà que les retrouver ne me fait aucune impression ? Moi qui attache tant d’importance au temps qui passe, voilà que ces douze mois ont disparu sans laisser de traces ? Avais-je si intensément besoin de les faire disparaitre, de recoller les morceaux de ma vie en oubliant ce cauchemar, en le niant même.

C’est sans doute ce que beaucoup ont ressenti ou ressentiront dans la même situation. Et que presque tous vivront aussi quand la pandémie s’éloignera : le besoin impérieux d’un retour à la vie d’avant ; aussi vite, aussi banalement que possible, en effaçant toutes traces de ces mois, (ou peut-être même de ces années) si éprouvantes. Beaucoup y parviendront, et oublieront.

Pour un moment en tout cas. Car ces années ne seront pas sans laisser de traces. Et que, qu’on le veuille ou non ;  il faudra, dans la durée, vivre autrement qu’avant. De cela, j’ai vite pris conscience : car, tout au long de ce voyage, ce sentiment de banalité, de retour au même, s’est éloigné, au fur et à mesure où je prenais conscience de quelques situations étranges et choquantes : que de gens imprudents dans les aéroports ! Que de lacunes dans les contrôles des tests ! Que de formulaires inutiles et jamais vérifiés ! Que de légèreté dans les documents passant de main en main entre les voyageurs, les policiers, les douaniers, les personnels des compagnies aériennes ! Que d’inconscience dans la distribution des repas à bord !

Pourquoi fermer les restaurants si c’est pour laisser deux passagers aux sièges collés, manger, boire, échanger des plats ou du pain, converser même, sans masque ? Pourquoi interdire les spectacles et les concerts quand des gens s’entassent pendant des heures dans les queues fort longues ou dans des salles d’attente sans réelle distanciation ; et sans que personne ne contrôle vraiment s’ils portent correctement leur masque ? Pourquoi faire prendre tant de risques à tous les personnels des aéroports et des compagnies aériennes, si c’est pour interdire, au même moment, aux personnels des restaurants, des théâtres et des cinémas d’en prendre beaucoup moins ?

http://www.attali.com/coronavirus-2/le-retour-des-voyages/

j@attali.com

jeudi 4 mars 2021

Nicolas Bouzou : Homo Sanitas

 Il y a plus de 10 000 ans, nous raconte Nicolas Bouzou, soigner était courant. Nos lointains ancêtres avaient inventé le métier de dentiste. Ils pratiquaient la chirurgie, amputaient, distinguaient les plantes qui soulagent de celles qui empoisonnent, connaissaient l'art du massage... 


Dans ce livre plein d'enseignements, Nicolas Bouzou montre que, chez les humains, la santé n'est pas seulement guérison des maux du corps. Depuis la nuit des temps, elle est " capacité de faire " et de gagner en liberté ! 

Homo sapiens est un Homo sanitas. Il prend soin de lui et des autres et œuvre ainsi à la marche du monde... 


Plonger dans cette histoire méconnue, c'est aussi s'interroger sur la meilleure façon de continuer sur la voie de progrès extraordinaires réalisés ces dernières décennies. Et défricher des champs fascinants comme la compréhension du cerveau. 

mardi 2 mars 2021

Gérald Bronner: «À l’heure d’Internet, le scandale moral et la colère sont des appeaux puissants»

Dans son essai Apocalypse cognitive*, le sociologue analyse la rencontre explosive entre la dérégulation de l’information et les structures archaïques de notre cerveau.

Par Eugénie Bastié


LE FIGARO. - Dans votre livre Apocalypse cognitive, vous décrivez le processus de libération du temps de cerveau qu’a connu progressivement l’humanité et qui s’est brutalement accéléré ces dernières années. Comment ce temps de cerveau s’est libéré? Quels en sont les conséquences?

Gérald BRONNER. - Entre le XIXe siècle et aujourd’hui on peut dire approximativement que notre disponibilité mentale a été multipliée par 8, ce qui est considérable. Cette disponibilité mentale accrue est la conséquence de l’amélioration de la productivité du travail, du droit du travail, de l’augmentation de l’espérance de vie ou encore de l’apparition de la machine vapeur puis de l’intelligence artificielle qui contribuent à externaliser certaines tâches et à libérer du temps pour l’humanité. Les conséquences pourraient être gigantesques puisque ce «temps de cerveau disponible» est le plus précieux trésor qu’on puisse imaginer. On pourrait y puiser de grandes symphonies, comme des œuvres littéraires majeures ou encore de brillantes découvertes scientifiques.

Seulement, ce trésor est littéralement cambriolé par ce qui se produit sur le marché de l’information (que j’appelle le marché cognitif) par l’entremise notamment des écrans. Chaque seconde qui passe nous assistons à une dilapidation de ce précieux trésor.

Vous appelez «apocalypse cognitive» la rencontre entre nos invariants mentaux et un marché de l’attention dérégulé. Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par là?

La masse d’informations disponibles atteint aujourd’hui un niveau inégalé - et de loin - dans l’histoire de l’humanité. Notre cerveau ne peut donc toutes les traiter. Il va donc picorer dans cette masse non pas en fonction de la recherche du vrai ou du rationnel mais en fonction de certaines obsessions qui caractérisent notre espèce.

Il faut d’abord accepter son reflet dans le miroir pour commencer à penser plus librement

Gérald Bronner

Ce qui est en train de se produire, c’est l’alignement de l’offre cognitive sur nos demandes les plus immédiates de sorte que les traces numériques que nous laissons sans cesse sur réseaux sociaux, par nos préférences d’achats ou encore nos lectures en ligne révèle un portrait de l’humanité qui n’est pas forcément élogieux. C’est cet effet de dévoilement que j’appelle l’apocalypse cognitive car apocalypse signifie étymologiquement «révélation». L’acceptation de cette révélation est la condition sine qua non d’un projet politique rationnel. Il faut d’abord accepter son reflet dans le miroir pour commencer à penser plus librement.

Après la prise du Capitole par des partisans de Trump fanatisés, on a accusé les réseaux sociaux d’être responsables. Pourtant, la violence révolutionnaire n’a pas attendu Facebook et Twitter pour exister. Faut-il vraiment faire des nouvelles technologies les coupables de la polarisation politique?

Internet, pas plus que les réseaux sociaux, ne crée des faits sociaux inédits. Seulement, en raison des interactions sociales particulières qu’ils permettent, ils amplifient certaines dispositions de notre cerveau socialisé. Ils permettent notamment à certaines fables - comme l’idée qu’il existerait un réseau pédophile et satanique qui contrôlerait les États-Unis - de sortir hors de leur espace social de radicalité. Ils permettent aussi aux individus de s’enfermer dans des communautés plus vastes où ils vont peu à peu se polariser. Tout cela est très documenté par la science contemporaine et j’en donne de nombreuses références dans mon livre. La fluidité des relations que permettent les réseaux sociaux favorise aussi la rencontre de radicalité qui, sans cela, serait probablement restée isolée.

N’exagère-t-on pas les méfaits du complotisme? Celui-ci a toujours existé, est-il vraiment plus fort aujourd’hui qu’hier?

De la même façon, personne ne songe à dire qu’Internet a inventé le complotisme, mais les enquêtes montrent que certains thèmes conspirationnistes, qui étaient très minoritaires dans les opinions publiques, sont à présents saillants. Le monde numérique procure un avantage concurrentiel à la crédulité et notamment au complotisme par exemple en favorisant la constitution d’argumentaires faits d’arguments possiblement incohérents entre eux mais qui par leur nombre donne une impression de véracité à l’esprit pressé (ce que j’appelle des mille-feuilles argumentatifs). En outre, parce que les raisonnements conspirationnistes vont dans le sens de certaines de nos intuitions ils ont une capacité à se diffuser souvent supérieure à des raisonnements plus analytiques.

Vous critiquez «l’épidémie de sensibilité» qui sévit sur les réseaux sociaux, qui joue sur la polysémie du terme «violence» pour considérer toute opinion comme une blessure. Quelles sont les racines de ce phénomène?

L’origine de cette épidémie est d’ordre idéologique, elle s’enracine dans les considérations sur les identités et l’obsession victimaire. Il reste que là aussi, le monde numérique parce qu’il est adossé à la dérégulation massive du marché cognitif est un outil adéquat pour les indignations de tout ordre parce que le scandale moral et la colère sont des appeaux attentionnels puissants. Ainsi, des chercheurs de l’université Beihang de Pékin qui ont analysé plus de 70 millions de messages sur Weibo (le Twitter chinois) ont observé que la colère se propage plus vite sur les réseaux sociaux que les autres émotions et elle est même contagieuse car elle incite ceux qui sont confrontés à des messages colériques à en envoyer eux-mêmes Molly Crockett, une psychologue de l’université de Yale a conduit une recherche publiée dans la célèbre revue Nature qui aboutissait à la conclusion que les réseaux sociaux exacerbent l’indignation morale en amplifiant les stimuli de ses déclenchements.

Lorsque l’idéologie croise des dispositions enfouies dans notre cerveau… le mélange est détonnant

Gérald Bronner

Il se trouve que le niveau de violation des règles morales à partir duquel on s’indigne a beaucoup baissé. Comme l’expliquent les auteurs d’une remarquable série d’expérimentations publiée dans Science, la réduction de leur prévalence d’un phénomène conduit les gens à élargir la définition implicite qu’ils ont d’un phénomène. Ainsi, par exemple, l’une des expérimentations demandait aux sujets de distinguer des visages menaçants d’autres visages exprimant une émotion différente. À mesure de l’expérience, de moins en moins de visages menaçants étaient présentés. Imperceptiblement, les sujets changeaient leurs appréciations pour considérer des visages neutres comme menaçants. Les auteurs de l’étude ont obtenu les mêmes résultats pour des considérations éthiques. Les sujets, confrontés à des demandes immorales de plus en plus rares à mesure du déroulement de l’expérience, ont commencé à considérer comme violant des règles éthiques des énoncés parfaitement anodins. Lorsque l’idéologie croise des dispositions enfouies dans notre cerveau… le mélange est détonnant.

Vous expliquez dans votre livre que la peur a un avantage concurrentiel dans le marché de l’information. Pourquoi? Ne peut-on pas lire la réaction drastique à la pandémie de coronavirus (par rapport à l’épidémie de Hongkong de 1969 par exemple) comme un effet de cette dérégulation du marché de l’attention produit par les nouvelles technologies? En d’autres termes: sans Internet et les chaînes d’info continue, l’épidémie aurait-elle pris tant de place dans nos vies?

La peur est une émotion utile sans laquelle l’humanité aurait disparu, mais elle peut aussi devenir obsessionnelle et nous empêcher d’avoir un traitement rationnel du risque. Il me paraît raisonnable d’imaginer que, si l’épidémie de Hongkong a à peine attiré l’attention collective, c’est parce que le marché cognitif était encore très régulé. De la même façon, on sait que le traitement médiatique des problèmes de santé publique ne recouvre pas toujours une cartographie rationnelle (certaines maladies rares par exemple sont rendues plus visibles socialement et recueillent des dons au détriment d’autres maladies qui font bien plus de morts). Cependant, la crise pandémique que nous traversons est bien réelle et, dans ce cas, on peut peut-être plutôt s’interroger sur la cécité de 1969.

https://www.lefigaro.fr/vox/societe/gerald-bronner-a-l-heure-d-internet-le-scandale-moral-et-la-colere-sont-des-appeaux-puissants-20210222