jeudi 24 décembre 2020

Tara Océan : cap sur le microbiome marin

Quels sont les enjeux et objectifs des expéditions Tara ? Quelle est la spécificité de cette expédition par rapport aux précédentes ? Comment peut-on faire de la recherche à bord de la goélette Tara ?


Après s'être intéressé au plancton, à la pollution plastique et aux récifs coralliens, nouvel objectif que les équipes de Tara : le microbiome marin, ce peuple invisible caché sous la surface. Crédits :  (c) Sacha Bollet - Fondation Tara Océan

Tara Océan : un voilier de trente six mètres, un grand laboratoire flottant dont les missions sillonnent les océans depuis plus de dix ans pour mieux comprendre la biologie marine, Tara océan, donc, vient de repartir en direction du Chili pour un voyage autour du monde qui durera plus de deux ans. Après l’étude du plancton, l’étude du corail ou de la pollution marine par les microplastiques, le but de cette prochaine expédition sera d’étudier un peuple invisible caché sous la surface : le microbiome marin. Problème, ce microbiome marin est à peu près aussi inconnu qu’il est essentiel à la vie sur Terre, il est donc temps de lever le voile et la voile sur ce peuple de l’eau qui est aussi peuple de l’ombre.

Tara Océan : cap sur le microbiome marin, c’est notre programme maritime pour l’heure qui vient, bienvenue dans la Méthode scientifique.

Et pour parler de ce travail de recherche en mer, nous avons le plaisir de recevoir aujourd’hui Colomban de Vargas, biologiste marin, directeur de recherche CNRS à la station biologique de Roscoff et co directeur de l’expédition Tara Océans. Et nous sommes en compagnie également de Chris Bowler, directeur scientifique de l’expédition Tara Océans, directeur de recherche CNRS et directeur du laboratoire Génomique des plantes et des algues à l’Institut de biologie de l’Ecole Normale Supérieure. 


samedi 19 décembre 2020

Les Experts qui bougent les lignes !


 LES EXPERTS QUI BOUGENT LES LIGNES | WEBINAR STUDIO LIVE

Sense Agency, agence de conférenciers & de conseil en prospective et Michel Poulaert, expert en optimisme et motivation, vous donnent rendez-vous tous les quinze jours pour une émission d’une heure qui dopera votre moral !

💥« Comment garder la motivation, quelles que soient les circonstances ? »


vendredi 18 décembre 2020

SENSE AGENCY : LES EXPERS QUI FONT BOUGER LES LIGNES !

 


Tous les quinze jours, Sense Agency et Michel Poulaert, expert en optimisme et motivation vous propose un webinar  qui vous donnera l'occasion de rencontrer des conférenciers de renom dont l'expertise est reconnue internationalement. 

PROCHAIN RV LE JEUDI 14 JANVIER 2021 - 12H45

AVEC 

JOEL DE ROSNAY


AVEC NOUS, FAITES BOUGER LES LES LIGNES !






jeudi 17 décembre 2020

La culture, entre déconfiture et réinvention avec Jacques Attali et Anne Jonchery


Les modalités du déconfinement prennent effet dès aujourd’hui. Mais les salles de spectacle et de cinéma, dont la réouverture était pourtant envisagée, restent fermées.

Quelle est la place de la culture dans notre société ? Comment le confinement a-t-il affecté les pratiques culturelles ? Peut-on espérer un retour au monde d’avant pour le secteur de la culture ?


Nous serons en compagnie de : 

Jacques Attali, économiste, écrivain et auteur de “L’économie de la vie” (Fayard)

Anne Jonchery, chargée d’études au Département des études, de la prospective et des statistiques au ministère de la Culture. Titulaire d’un doctorat en muséologie, elle travaille sur les questions de médiation culturelle, de socialisation à la culture et notamment de socialisation aux patrimoines.

Critère de distinction entre produit essentiel et non essentiel

"Qu'est-ce qui n'est pas essentiel ? C'est ce qui permet de n'est pas nécessaire pour vivre. Il y a des choses qui ne sont pas nécessaires pour vivre, mais on ne peut pas ranger la culture dans les biens qui ne sont pas nécessaires pour vivre. Ou alors, on fait l'apologie de l'analphabétisme, de la barbarie. C'est absurde." Jacques Attali

Par définition, la culture, c'est essentiellement être ensemble. C'est le bien essentiel premier de nos cultures. C'est pour ça que je préfère parler d'économie de la vie. Les secteurs de l'économie de la vie sont la santé, l'éducation, la culture, la recherche, l'énergie propre ou le logement durable... Jacques Attali

C'est aussi paradoxal qu'au moment où on parle de l'importance de la laïcité, on fasse le choix de privilégier les fêtes d'une religion sur les fêtes laïques et qu'on préfère ouvrir les lieux de culte plutôt que les lieux culturels. Jacques Attali

"Ce qui pose problème, c'est être ensemble. C'est ça qui pose problème aux virus et on peut le comprendre. Mais alors, il faut interdire "l'être ensemble" provisoirement, d'une façon équitable. Il ne faut pas permettre l'être ensemble, commercial ou religieux et interdire tout "être ensemble" culturel. Ça n'a pas de sens. Il faut que ça soit équitablement limité." Jacques Attali


Une femme à vélo, devant un cinéma fermé pendant le confinement Crédits :  PASCAL GUYOT - AFP

Le silence sur la question de l'éducation

"Les champs de culture sont des acteurs de l'éducation. Je trouve qu'il y a un silence trompeur de l'enseignement supérieur et de la recherche aujourd'hui, pas mobilisé par son ministère non plus. Ils pourraient réclamer davantage de droits aux enseignements." Jacques Attali

Il y aura une grande revanche ultérieure quand tout cela sera, je l'espère, bientôt calmé, parce qu'il y aura une grande colère du monde universitaire et de ceux qui n'auront pas pu s'exprimer. Je pense en particulier aux étudiants à qui on aura privé d'un bien véritablement essentiel qu'est l'éducation. Jacques Attali

Une réduction des écarts entre les groupes sociaux dans les pratiques culturels

La suppression de la culture de sortie, la difficulté d'accéder à certains produits culturels a eu des conséquences. La culture d'écran pour le coup, n'était pas confinée, pas entravée par la crise sanitaire. Parmi les résultats les plus saillants de l'étude, on a pu constater une réduction des écarts entre les groupes sociaux à l'échelle des pratiques en amateur et des consommations culturelles. Anne Jonchery


Gilles Babinet Comment les géants du numérique tuent leurs concurrents européens ?


Les grandes plateformes numériques étouffent leur concurrence. L’Europe relève le défi pour faire émerger des champions sur des marchés aussi stratégiques que le cloud (stockage des données). Un marché qui pèse 31 milliards d’euros et progresse de 20 % par an.

Copier. Acquérir. Tuer. Trois verbes qui résument la stratégie déployée par les géants du numérique, essentiellement américains. Il était temps de réagir. Soupir de soulagement de Théo Hoffenberg fondateur de Reverso à l’annonce du plan européen. L’entreprise, 70 millions d’utilisateurs (+ 50 % cette année) se présente comme le leader mondial de la traduction en ligne devant Google et Deepl.

Au départ, nous avions 50 % du marché de la traduction en ligne puis Google a intégré la traduction automatique dans ses services »,”observe cet ingénieur polytechnicien passionné de langues. C’est gratuit pour l’utilisateur et cela permet de tuer un concurrent.










Conserver la capacité d’innover

“ La stratégie déployée par Microsoft avec Teams est la même ” , constate Philippe Pinault, créateur de Talkspirit, un réseau social d’entreprises. Avec le Digital Services Act et le Digital Markets Act, l’Europe relève le défi pour conserver sa capacité à innover dans le numérique. Car le fossé ne cesse de se creuser.

Dans le cloud (stockage en ligne des données numériques), le montant des investissements européens représente celui que les Américains faisaient dans ce secteur il y a dix ans. Il n’est pas trop tard. Les compétences sont toujours là. “ On forme plus de codeurs que les États-Unis et un peu moins que la Chine, mais notre niveau est plus élevé ” , explique Gilles Babinet, spécialiste des questions numériques et créateur de plusieurs sociétés dans ce domaine.

Le cloud, un marché convoité

Et de multiples points d’entrée technologiques émergent pour reprendre pied sur ces marchés, notamment dans le cloud. C’est le cas de Kubernetes, développée à Paris à l’école 42, qui révolutionne le stockage et la mise en réseau de données.

Ce marché stratégique est convoité par tous les grands acteurs américains et chinois. “ En Europe, il pèse 31,2 milliards d’euros et progresse de 20 % chaque année. ”

La bonne nouvelle, c’est que l’Europe a été, cette fois, beaucoup plus agile. “ Pour la RGPD (protection des données), il a fallu huit ans avant d’aboutir à un texte. Cette Commission n’est en place que depuis un an et demi. Elle a su avancer très vite avec des textes structurants. ”

“Les pays européens divisés”

En revanche, les pays européens continuent à être divisés. Les acteurs américains et chinois en profitent. “ Certains pays de l’Est sont favorables à Huawei quand l’Italie et l’Espagne y sont opposés. Microsoft a les faveurs d’autres pays. ” Une vision partagée apparaît plus que jamais nécessaire.

Rien ne se fera par ailleurs sans des investissements massifs dans la recherche fondamentale. C’est l’autre mauvaise nouvelle. Les pays frugaux appelés aussi “ les quatre austères ” (Pays-Bas, Danemark, Suède et Autriche) ont fait pression pour revoir ces budgets à la baisse, regrette Gilles Babinet. 

vendredi 11 décembre 2020

Maud Fontenoy : Un Noël engagé pour les océans




 

Georges Vigarello : Comment sommes-nous devenus fatigués ?

 Dans une synthèse historique magistrale, Georges Vigarello revient sur les « métamorphoses » et « l’extension du domaine » de la fatigue depuis le Moyen Âge.

Fatigue des soignants, fatigue persistante des malades « guéris » du Covid-19, fatigue psychologique liée aux confinements successifs, etc. L’Histoire de la fatigue de Georges Vigarello, à laquelle celui-ci a adjoint une préface en lien avec la pandémie, n’a jamais été autant d’actualité. Avec ce nouveau livre, l’historien, connu entre autres pour ses travaux sur le corps, les émotions, la virilité ou encore le gras, se saisit donc d’un nouvel objet original susceptible d’une analyse historique.


La fatigue ou les fatigues ?

Les « XXe et XXIe siècles ont vu une irrépressible extension du domaine de la fatigue. » Dans le domaine professionnel, les « burn out » sont médiatisés, dans le privé, la « charge mentale » qui touche les femmes, toujours victimes d’une inégale répartition des tâches ménagères et de l’éducation des enfants, est mise en avant. « Une hypothèse traverse ce livre, écrit son auteur : le gain d’autonomie, réelle ou postulée, acquis par l’individu des sociétés occidentales, la découverte d’un "moi" plus autonome, le rêve toujours accru d’affranchissement et de liberté ont rendu toujours plus difficile à vivre tout ce qui peut contraindre et entraver. D’autant que s’y ajoute le rappel, du coup possible, des fragilités, des vulnérabilités. »

L’usage d’un même mot, celui de fatigue, pourrait laisser croire une continuité de cet état à travers les époques, symbole de la « limite » et de la « fragilité » de l’homme, avec ses deux versants : « interne », à l’échelle de l’individu, et « externe », en provenance de son environnement au sens large. La pérennité du terme désignant ce phénomène masque pourtant ses « métamorphoses » depuis le Moyen Âge, où débute l’enquête de G. Vigarello, jusqu’à nos jours. En effet, « la perception de la fatigue varie d’une époque à l’autre » ; et ces variations ont de nombreux corollaires qui se traduisent dans les corps, les esprits, les conceptions médicales, l’organisation du travail, le sport, la violence, etc.

Les fatigues évidentes changent au fil des temps. Au Moyen Âge, c’est la « fatigue du combattant » qui focalise l’attention, dans une moindre mesure celle du voyageur ou, dans le domaine religieux, celle aux vertus rédemptrices. Quant à celle du travailleur – le paysan –, elle est ignorée, à cause de la valorisation du fait guerrier qui domine alors. A l’époque classique, avec la montée en puissance de la noblesse de robe, les « lassitudes » prennent une place nouvelle, des gradations apparaissent ainsi qu’une « amorce du chiffre » relative à la fatigue. Avec les Lumières, la fatigue devient plus sensible. C’est aussi le début du dépassement de soi via l’exploration du monde, la naissance de l’entrainement pour repousser ses limites. Le XIXe siècle est celui des fatigues ouvrières, étudiées – de plus en plus calculées – non pas tant par philanthropie que pour estimer le repos nécessaire à une maximisation de la production avec la naissance de la société industrielle – il en va de même avec la préoccupation de disposer de soldats aptes aux armées. Certains des effets délétères de cette nouvelle société amènent à s’intéresser à la fatigue générée par les conditions de vie, le temps de travail ou le labeur des enfants. Enfin nos sociétés contemporaines, de plus en plus dominées par des emplois de bureaux et la numérisation, charrient leur lot de « fatigues plus sourdes », davantage psychologiques, liées par exemple au trop plein d’informations. Enfin, ces fatigues actuelles rejoignent plus globalement l’individualisation et la démocratisation évoquées par G. Vigarello au seuil de son livre.

 

Corps et sensibilités

L’histoire de la fatigue rejoint aussi celles des corps, dont G. Vigarello s’est déjà fait l’historien, et de ses remèdes. Au Moyen Âge, la fatigue est envisagée comme une « perte d’humeurs » ; en conséquence, les fluides sont prescrits pour restaurer la vigueur. Pour les Lumières, la fatigue est liée aux fibres et autres réseaux, mais aussi à l’excitation non maitrisée. On recherche alors des « toniques » pour la résorber, et la période est ainsi marquée par le développement de la trinité thé, café et chocolat. Le XIXe siècle, celui des machines et de l’énergie, est marqué par un intérêt pour l’alimentation, les calories et les nourritures à privilégier ou exclure, mais aussi pour les postures avec la naissance de l’ergonomie. Enfin, « [l]a fatigue d’aujourd’hui est perçue dans le langage numérique, privilégiant les messages internes, les sensations, la connexion et la déconnexion. » Elle est abordée par le biais des relations, mais aussi via la chimie et la biologie (rôle des hormones, place des drogues et des médicaments).

« Affinements et degrés se précisent avec le temps. Notre civilisation invente des sensibilités, crée des nuances, fait exister de proche en proche des fatigues qui, auparavant, n’existaient pas, découvre avec le cours de l’histoire, des états longtemps ignorés. » G. Vigarello repère des changements dans le vocabulaire : l’arrivée des termes « langueur », « courbature », « dépérissement », « stress ». Il met en lumière des moments clés comme la Grande Guerre avec un changement de regard sur la fatigue, consécutif d’un « franchissement de seuil », ou encore les totalitarismes avec l’épuisement complet recherché de leurs victimes alors que se développent en parallèle les loisirs et les vacances sous le Front Populaire.

Plus largement, la fatigue se déplace progressivement, du physique vers le psychologique ; ce dernier ayant d’ailleurs de plus en plus souvent des traductions sur le précédent. Elle devient plus globale et entretient des liens étroits avec nos sociétés d’individus, avec la question de l’autonomie et des contraintes. « Tel est bien l’enjeu de cette démarche historique qui est aussi généalogique : montrer comment ce qui semble depuis toujours ancré dans les chairs s’inscrit aussi, au fil des siècles, dans les consciences, les structures sociales et leurs représentations, jusqu’à se redéployer et nous atteindre au plus profond. » La fatigue est désormais intégrée à notre « quotidien ».

 

L’Histoire de la fatigue de Georges Vigarello s’impose comme une démonstration passionnante d’une très grande richesse, mobilisant des sources impressionnantes, autant littéraires, scientifiques qu’historiques. Son livre aurait pu faire écho aux thèses du sociologue et philosophe allemand Harmut Rosa sur « l’accélération », envisagée sous ses différentes formes (technique, changement social ou rythme de vie) et ses conséquences en termes de nouvelles aliénations, ou encore à 24/7. Le capitalisme à l'assaut du sommeil de l’américain Jonathan Crary, qui constituent autant d’explications complémentaires des causes contemporaines de notre fatigue. In fine, la fatigue constitue un phénomène dont seule une analyse pluridisciplinaire – biologique, psychologique et sociologique notamment – est en mesure de rendre compte, analyse permise ici par la synthèse historique.


par Benjalin CARACO

Frédéric Encel : "Les 100 mots de la guerre".

 Frédéric Encel: «Les 100 mots de la guerre»



Frédéric Encel publie «Les 100 mots de la guerre» chez Que sais-je. Pourquoi fait-on la guerre ? Comment la faisait-on avant et à quoi ressemblera-t-elle demain ? Frédéric Encel nous propose de la regarder bien en face dans son dernier livre publié aux Presses universitaires de France, dans la collection Que sais-je. Un livre dans lequel le géopolitologue égrène cent mots du pire des maux, et explique que le vocabulaire de la guerre est multiple, et s’enrichit sans cesse des progrès de la technique.

jeudi 10 décembre 2020

Pascal Picq : s'adapter ou périr

 


Quels enseignements tirer de la pandémie ?

Avec Pascal Picq, paléoanthropologue et maître de conférences au Collège de France, il publie « S’adapter ou périr » (éditions de l’Aube)

Forum Zéro Carbone 2020 : les villes, cinq ans après la COP21

 Le 12 décembre 2015, dans le cadre de la COP21, était signé à Paris un accord historique pour la lutte contre le dérèglement climatique ; limiter le réchauffement à un niveau inférieur à 2°C et atteindre la neutralité carbone à horizon 2050. La même année, Anne Hidalgo, maire de Paris, et Michael Bloomberg, envoyé spécial de l'ONU sur les villes et le climat, avaient réuni 1.000 maires du monde entier à Paris afin de lancer un signal fort en direction des États : des solutions existent et les villes ont le pouvoir d'agir.

Cinq ans après la COP21, la Ville de Paris et La Tribune organisent le Forum Zéro Carbone les 10 et 11 décembre. Cet événement 100% digital réunira sur deux jours les acteurs de la lutte contre le dérèglement climatique. 140 décideurs de haut niveau, (maires français et internationaux, associations et ONG, scientifiques et représentants de la société civile, chefs entreprises) interviendront au cours de cinquante débats afin de dresser le bilan des avancées au regard des objectifs de l'Accord de Paris mais aussi de trouver les nouveaux axes d'actions à mettre en œuvre pour relever ce défi historique qu'est la préservation de notre planète.







Jeudi 10 décembre, seront présents les maires de la plupart des métropoles françaises dont Johanna Rolland (Nantes et présidente de France Urbaine), Christian Estrosi (Nice), Jean-Luc Moudenc (Toulouse), Emmanuel Grégoire (premier adjoint à la Maire de Paris), Mickaël Delafosse (Montpellier), Catherine Vautrin (Grand Reims), Nicolas Mayer Rossignol (Rouen) ; mais aussi des entreprises au cœur de la transition écologique dont Bertrand Camus (Suez), Marianne Laigneau (Enedis), Philippe Wahl (La Poste), Olivier Wigniolle (Icade), Arnaud Leroy (Ademe) et des représentants de la Banque des Territoires, ADP, Orange, EDF, RATP, Veolia Eau, Tagerim, l'ARCEP...

Vendredi 11 décembre s'ouvrira avec Anne Hidalgo (maire de Paris et présidente de l'AIMF), Eric Garcetti (maire de Los Angeles et président du C40), et des maires du monde entier, en visioconférence, ainsi que les acteurs clefs de la COP 21 comme Laurent Fabius (Président du Conseil Constitutionnel), Jean Jouzel (GIEC Climat), Laurence Tubiana (Fondation européenne pour le climat) ; des intellectuels, comme Carlos Moreno, l'inventeur de la "ville du quart d'heure" et Jacques Attali (Fondation Good Planet) ; des représentants de la société civile, de la Convention citoyenne pour le climat et des ONG avec Cécile Duflot (Oxfam) ; de nombreux chefs d'entreprise placés au cœur de la transition verte : François-Henri Pinault(Kering et Fashion Pact), Jean-Laurent Bonnafé (BNP Paribas, EpE), Jean-Bernard Lévy (EDF), Stéphane Richard (Orange), Marie Ange Debon (Keolis). Une large place sera consacrée à la gouvernance locale et à l'action citoyenne, avec la présence de membres de la convention citoyenne pour le climat. Une déclaration sera adressée par les maires aux négociateurs de la COP26 qui se tiendra à Glasgow en Ecosse en 2021. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères et Emmanuel Macron, le président de la République clôtureront la journée, depuis le Conseil européen à Bruxelles.

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Elodie Gentina : Génération Z : management, mission, confiance... Qu'est-ce que les jeunes attendent de l'entreprise ?

 Elodie Gentina est enseignante-chercheuse à l’IESEG School of Management et conférencière. Sa spécialité ? La génération Z. Ces jeunes qui veulent être à la fois en team et libres. Avoir du temps libre et être des acteurs écoutés dans l’entreprise. Ne plus avoir de métier mais une mission. Autant de paradoxes avec lesquels l’entreprise va devoir composer. Interview.

Il y a eu les X, complètement accros au boulot. Les Y, qui voulaient changer le monde en travaillant. Qu'attendent les Z de l'entreprise ?

Elodie Gentina : Pour les X, l’entreprise était une sorte de substitution de la famille. Le travail était extrêmement important, il fallait un bon salaire et un bon boulot pour s’en sortir dans la vie. Les Y étaient plutôt dans une logique donnant-donnant : l’entreprise devait leur montrer ce qu’elle pouvait leur apporter, et, si ça valait le coup, ils s’investissaient en retour. Pour les Z, c’est encore autre chose. Ils n’arrivent pas à se projeter, et remettent vraiment l’entreprise en question. Leur ambition n’est pas de gravir les échelons, mais de protéger un bon équilibre entre leurs vies personnelle et professionnelle. Réussir dans la vie, c’est avant tout réussir SA vie. Au niveau de leur job, ça se traduit par l’intérêt du poste, la possibilité de s’investir et de grandir. L’entreprise est perçue comme une sorte d’école apprenante et partageante, pas comme un lieu de sacrifices.

Avant, les jeunes diplômés rêvaient de jobs à hauts salaires dans des entreprises internationales à forte notoriété. Aujourd'hui, quelles sont les attentes des jeunes ?

E. G. : En majorité, les jeunes générations considèrent que les grandes entreprises ne sont pas suffisamment engagées au niveau social et environnemental. Or c’est vraiment ce qu’elles souhaitent retrouver dans leur vie professionnelle – elles préfèrent d’ailleurs parler de « mission » que de « métier ». Les Z savent décortiquer les discours, ne sont plus dupes, s’intéressent aux fondations d’entreprise... Au-delà de l’engagement, l’autre critère important, c’est la notion d’apprentissage. Ils envisagent l’entreprise au prisme de l’enrichissement personnel. Le résultat, c’est qu’on ne fait plus intervenir les mêmes gens, en cours : on va privilégier des profils différents. Par exemple, j’ai invité une exploratrice qui travaille chez Décathlon, ou un créateur d’entreprise qui n’embauche que des jeunes, avec l’objectif de leur confier son entreprise.

On les dit créatifs, participatifs, connectés... Cela se traduit-il au travail ?

E. G. : Quand on parle de l’hyperconnexion des Z, il faut faire attention : oui, ils comprennent les outils numériques, mais ils ont surtout besoin d’être connectés aux gens « en vrai ». Ils cherchent des relations authentiques : on voit d’ailleurs que le scoutisme remonte en flèche chez les jeunes ! Leur force, c’est le sens de la communauté. Ils ne sont peut-être pas fidèles à l’entreprise, mais ils sont fidèles à leurs collaborateurs. Ça doit faire réfléchir les entreprises sur la notion d’équipe. Ils aiment créer, travailler « en mode projet ». Pour les organisations, c’est l’occasion de développer l’« intrapreneuriat ».

Ils vivent et se regroupent en tribus. Dans l'entreprise, qu'est-ce que cela entraîne en matière de collaboration avec les équipes ? Et de hiérarchie ?

E. G. : L’esprit d’équipe est l’un des premiers critères de fidélité à l’entreprise. Très souvent, ils restent pour l’équipe : leurs collègues deviennent des copains, ils aiment travailler en team. On est passé d’une fidélité d’entreprise à une fidélité sociale et collective. Ce n’est plus quelque chose de subi, mais de choisi. Aux entreprises de le comprendre, d’agir, en menant des actions pour la communauté, la fédérer. Évidemment, le rapport à la hiérarchie est différent. On passe d’un mode pyramidal à un mode réseau. Cela se traduit dans les outils qu’ils utilisent : aux e-mails, ils préfèrent WhatsApp, Telegram, Slack..., autant de services qui permettent de contacter les managers de façon instantanée, sur un pied d’égalité. Ce n’est pas une crise de l’autorité, mais une crise de crédibilité des porteurs de l’autorité. On ne respecte plus son manager pour son âge ou son expérience, mais pour ses compétences – à savoir qu’un bon leader doit être proche de ses équipes, leur faire confiance, être avec elles au quotidien et non pas dans un bureau en haut d’une tour... Ce qui est très important aussi, c’est de faire des retours réguliers, et non plus seulement de grands entretiens annuels.

Le télétravail et le désir d'agilité sont au cœur de leurs envies. Comment les entreprises peuvent-elles conjuguer ce désir de proximité et leur volonté de liberté ?

E. G. : Pour les entreprises, il s’agit de changer de position sur la confiance. Aujourd'hui, on est encore dans un système de contrôle. Or la jeune génération demande de plus en plus de flexibilité : il devient difficile de lui demander de travailler cinq jours par semaine, de 9 heures à 19 heures ! Les jeunes veulent pouvoir aller à leur cours de tennis à 17 heures, et éventuellement revenir travailler à 20 heures ! Pour que cette combinaison soit possible, il faut faire des retours réguliers sur les résultats – sans entrer dans une forme de flicage –, et faire la liste des moyens et des contenus mis en œuvre.

Fini le temps où l'on pouvait les retenir en leur faisant miroiter des évolutions de carrière et des augmentations de salaire annuelles. Comment les entreprises peuvent-elles retenir les plus jeunes ?

E. G. : Il existe deux nouvelles formes de reconnaissance : la reconnaissance existentielle, et la reconnaissance intégrative. La reconnaissance existentielle vient des qualités des managers : sont-ils capables d’écouter, d’aider, de faire confiance à leurs équipes ? La reconnaissance intégrative, c’est la volonté de contribuer à la transformation de l’entreprise, à la conduite du changement. Les solutions sont nombreuses : faire du « mentoring » inversé en demandant aux jeunes de former les seniors aux outils numériques, accorder une demi-journée par semaine à des projets d’intrapreneuriat, créer des ComEx qui intègrent les plus jeunes... l’important, c’est d’accorder aux jeunes du temps pour l’entreprise en dehors de leur mission propre.

Les jeunes n'envisagent plus de faire carrière au sein d'une seule entreprise, mais envisagent-ils seulement de travailler toute leur vie ?

E. G. : Je pense sincèrement que les termes de « carrière » et de « métier » n’auront plus lieu d’être. Les Z sont prêts à rester dans la même boîte pendant longtemps si on leur confie différentes missions, différents projets ! Ils veulent pouvoir faire plusieurs activités ! Même si cela implique de partir faire le tour du monde pendant un an. Ils sont au courant de tout ce qui se passe dans le monde, ont des amis partout... Ils ont envie de voir de plus près ce qu'il y a ailleurs. Leur relation à l’avenir n’est plus du tout la même. Si on leur demande où ils s’imaginent dans dix ans, il y a de fortes chances pour qu’ils répondent qu’ils ne savent pas. Ça n’est pas une question de manque de motivation, mais simplement une vision différente de la vie de l’entreprise.

Ces dernières années, on a eu l'impression qu'être entrepreneur incarnait une sorte de Graal pour les plus jeunes. Est-ce encore le cas ?

E. G. : Pour eux, l'objectif n’est pas forcément de créer sa boîte, mais d’être libres de travailler comme ils en ont envie. En 2018, une étude IPSOS montrait que seuls 36 % des jeunes voulaient créer leur entreprise. Ils sont plutôt attirés par l’intrapreneuriat : l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle est extrêmement important pour eux. Ils savent que quand on crée sa société, c’est quelque chose que l’on peut rapidement perdre.


Plus de liberté, plus d'humain, plus de temps libre, moins de hiérarchie..., les exigences envers les entreprises sont élevées. Ces dernières peuvent-elles y répondre dans un contexte économique tendu ?

E. G. : La question n’est pas tellement de savoir si elles vont le pouvoir : elles le doivent ! Bien sûr, tout n’est pas possible, mais elles peuvent commencer par mettre de petites choses en place. En ce qui concerne les outils, cela passe par l’arrêt des e-mails en interne, pour implanter des outils plus communautaires. En matière d’équipe, elles peuvent créer des systèmes de sociabilisation inversée, les faire travailler en binôme avec des seniors. Et pour ce qui est de la flexibilité, c’est faciliter le télétravail, revoir les modes hiérarchiques, ne plus faire d’entretiens annuels, au profit de feed-back informel plus régulier, intégrer les jeunes dans la transformation, instaurer des temps libres. Il faut comprendre que si on perd les jeunes dans un contexte économique tendu, on perd les ressources de demain.

mercredi 9 décembre 2020

Qu’est-ce que la covid fait à la pensée ?


Ce qui se joue, parallèlement à la recherche d’un vaccin, c’est une sorte de compétition entre philosophes, sur celui qui arriverait le premier à doter le virus d’une sorte de cerveau, à en devenir en tout cas l’interprète attitré... La Covid aurait-elle contaminé la pensée ?


Cela fait un an, déjà, qu’on vit à l’intérieur, pour beaucoup d’entre nous, du premier événement historique de notre vie...


Qu’est-ce-que la covid fait à la pensée ?  Crédits :  DrAfter123 - Getty


Cela fait un an que les virologues étudient le virus, que les épidémiologistes étudient la pandémie, que la chose mobilise les gouvernements du monde entier, que les médias ne parlent que de ça, qu’il y a un masque bleu au-dessus des tendances sur Twitter. 


Philosophes et virus
Il est parfaitement normal que les philosophes, à leur tour, soient mobilisés, et tentent de penser la pandémie.
On pourrait faire une typologie de leurs réflexions : il y a ceux pour qui la pandémie a fait enfin vaciller les frontières contestables du royaume humain. La pandémie serait le nom d’un nouveau partage du vivant, mieux, la pandémie serait un événement d’ordre ontologique. L’apparition, prédite par quelques penseurs jusque là isolés, d’un macro-objet, de quelque chose qui tiendrait ensemble des éléments que le savoir séparait jusque là, comme l’histoire de la civilisation et celle des agents pathogènes.
D’autres voient dans l’apparition du virus une conséquence directe du réchauffement climatique et de la mondialisation — réduisant le virus à un accident, mais un accident au sens métaphysique du terme : son enveloppe biologique définissant moins sa substance que les conditions environnementales de son apparition. 
Chaque spécialiste se raconte en réalité le virus qui lui convient, le virus est révélateur, un deus ex machina, voire une paresse intellectuelle. On vient alors à se demander si la charge virale du coronavirus n’est pas aussi idéologique … 

Qu’est-ce que c’est qu’un virus, en dernier lieu ?
C’est justement quelque chose qui n’a pas la faculté de se reproduire seul, et qui doit être retranscrit par la cellule hôte : un exercice de ventriloquie biologique, si l’on veut.
La pandémie nous parle à travers tous ces discours qu’on entend sur elle.
Nous serions devenus les interprètes du virus ? C’est un peu absurde, mais pas plus que de prêter une intentionnalité reproductrice au virus. En réalité, s’il y a bien une chose qui nous prend toujours au dépourvu, ce sont les événements sans intentionnalité. Et comme on met des voix-off sur le moindre documentaire animalier, on évoque ici la revanches des écosystèmes.
Et ce qui s’est joué ainsi, dans la pensée, parallèlement à la recherche d’un vaccin, c’est une sorte de compétition, entre philosophes, sur celui qui arriverait le premier à doter le virus d’une sorte de cerveau — à en devenir en tout cas l’interprète attitré. Le covid aurait donc contaminé la pensée ?

Bêtise de l’épidémie
On pourrait parler alors d’un platonisme dégénéré : descendu dans la caverne de la cellule infectée, les penseurs de la pandémie auraient reçu, du virus lui-même, un enseignement ésotérique.
Je ne serais ainsi pas surpris que, contre toute l’apparente sympathie de la philosophie pour la rationalité scientifique, on trouve bientôt un philosophe à la tête du mouvement antivax...
Mais plus sérieusement, je me suis dit, devant une file d’attente à la porte d’un laboratoire, qu’elle était la forme véritable de la pandémie : quelque chose de finalement très prosaïque, mais qui portait en elle le souvenir de quantité d’autres événements historiques : une queue, devant les magasins, avec tout ce que cela comporte d’extraordinaire et de déjà-vu. Du virus, nous ne saurons jamais rien, car il n’y a rien à en savoir. Mais nous nous souviendrons longtemps de ces files d’attente, de ces gestes barrières, du frottement désagréable des écouvillons et de l’odeur de tabac froid des masques neufs.
L’événement historique, avant d’être un récit mythologique ou une allégorie, ce n’est que cela : un bloc de réel terriblement pénible à traverser. Un moment d’inconfort pour le plus stoïque des penseurs comme pour le plus pressé des optimistes — l’écouvillon du temps tombé dans une muqueuse. 




Source : La Chronique d'Aurélien Bellanger - France Culture - Philosophie

mardi 8 décembre 2020

Tech For Good : les entreprises peuvent-elles travailler au bien commun ?

 L’Appel Tech for Good a été signé lundi 30 novembre, aboutissement d’une initiative lancée en mai 2018 par Emmanuel Macron, lorsqu’il invitait à l’Elysée les géants du numérique. Deux ans et demi plus tard l’Appel Tech for Good a été signé par 75 grandes entreprises qui assurent de leur engagement à « mettre la technologie au service du progrès humain ». On notera tout de même l’absence de deux entreprises de taille : les américains Amazon et Apple ont pour l’instant refusé de s’associer à cette initiative pourtant non contraignante.


GAFA, les géants du Web Crédits :  DENIS CHARLET / AFP


A ce volet, qu’on pourrait dire éthique, il faut ajouter un volet réglementaire au niveau européen : le 15 décembre la Commission devrait présenter le Digital Services Act et le Digital Market Act. Son objectif : mieux définir la responsabilité des plateformes et des réseaux, mais aussi dépoussiérer le droit de la concurrence, empêcher les abus de position dominante et permettre à des alternatives européennes d’émerger.

Il y aurait donc un mouvement général vers un meilleur encadrement des entreprises, leur responsabilisation sur des enjeux comme l’environnement, la diversité, le partage de la valeur ou le partage du pouvoir. Et les entreprises dites de la Tech en seraient le fer de lance. L’économie de demain sera écologique et sociale ou ne sera pas disent les uns… tout ceci n’est green ou social washing rétorquent les autres. Mais surtout, la question qui reste entière c’est de savoir qui dit le « good », de quel "bien" parle-t-on, qui et comment le mesure-t-on ?


Julia de Funès : "Le télétravail agit comme un tamis


Julia de Funès : "Le télétravail agit comme un tamis : on ne voit que la performance. Impossible de faire semblant de travailler"Épisode 3 : Julia de Funès : "Le télétravail agit comme un tamis : on ne voit que la performance. Impossible de faire semblant de travailler"

Depuis le confinement, impossible ou presque de ne pas remarquer la place nouvelle laissée aux outils numériques, que ce soit à la maison ou au travail (qui peut être aussi à la maison). Sommes-nous entrés dans une nouvelle phase de la transition numérique ?

Comme toutes les grandes crises de l’histoire, celle que nous vivons en ce moment accélère les grandes mutations menées depuis plusieurs années. Et l’un des exemples les plus symboliques est sans doute l'accélération de la transformation numérique des économies et des sociétés. Quelles sont les conséquences d’un monde du travail de plus en plus numérisé ? L’Homme est-il fait pour ce modèle ? 

Pour en parler ce matin, Julia de Funès, philosophe et auteure du livre “Le développement (im)personnel. Le succès d’une imposture” aux éditions de l’Observatoire est l’invitée des Matins. 

Télétravail Crédits :  MARCEL MOCHET - AFP

Le télétravail passé de l'ordre du souhait à l'ordre du fait ? 

La crise a généralisé le télétravail et l’a massifié. Les arguments qui étaient encore réfractaires à ce mode de fonctionnement ont été pulvérisés en un éclair. En général, ils tournaient autour de deux axes majeurs qui sont la difficulté de mise en place du télétravail et l’arrêt des liens sociaux. Et on voit qu’il n’y a plus vraiment de contre argument à la mise en place de ce mode de fonctionnement qui a encore boosté ce progrès qui était encore très latent jusqu'à maintenant. Julia de Funès

"On a une tendance à vouloir séquencer des moments de vie comme des moments d’état distincts. Et là, cette période a été particulièrement difficile car toutes les sphères se mélangeaient et se télescopaient. Et le télétravail n’a fait que renforcer le mélange des mondes."

Une redéfinition du travail ? 

Le télétravail n’est pas le travail comme avant. Mais c’est un travail quand même. Des études montrent que les personnes travaillent aussi bien sinon mieux qu’au bureau. Ils sont moins dispersés, moins dérangés. Et puis c’est une libération psychologique. Quand on est dans un open space, on est obligé de montrer qu’on travaille. Et cette représentation permanente occupe et accapare une partie de l’esprit qui explique pourquoi le télétravail est très efficace. Julia de Funès

"Le télétravail n’empêche pas de revenir au bureau en présentiel. Le télétravail n’est pas une exclusion totale de l’entreprise. Mais ça ne compense et ne remplace pas les relations réelles. Mais ça les rend d’autant plus attendues et désirables. Donc c’est quelque chose qui maintient le lien, qui seconde et assiste la réalité mais qui ne remplace en rien la beauté des relations réelles."

Le danger de la pensée Slides ou Powerpoint est que l’utilité initiale est devenue une norme et une procédure. On le fait parce que l’on doit le faire mais on ne sait plus pourquoi on le fait. La grande dérive, c’est de faire de Zoom ce qu’on a fait de Slides, c'est-à-dire des façons de faire automatisées qui engourdissent les intelligences plus qu’elles ne les stimulent. Julia de Funès


 

Pandémie, ce qui a déjà changé : Les relations Humaines - Cynthia Fleury

Cette semaine, nous nous demandons ce qui a déjà changé avec la pandémie. Aujourd'hui nous parlons des relations humaines qui se sont retrouvées modifiées depuis le confinement. De la distance à l’absence de contact physique, la sociabilité a été mise à l'épreuve. Qu'en sera-il demain ?

Au lendemain du déconfinement, l'heure est aux retrouvailles avec ses proches. Une reprise des relations sociales qui devra se faire en respectant les désormais si familiers « gestes barrières ». La crise que nous vivons a-t-elle déjà changé des relations humaines ? La pandémie va-t-elle entraîner à long terme une peur de l'autre et une sociabilité à distance ? Ou devons-nous au contraire espérer qu'elle créé de nouvelles solidarités et renforce notre besoin d'humanité ?

Vers une nouvelle version de la relation à distance ? Crédits :  FilippoBacci - Getty


Pour en parler, notre invitée est Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, professeure titulaire de la chaire Humanités et santé au Conservatoire national des arts et métiers.

Il y a une redécouverte du plaisir d'aller et venir, même s'il est minimal, de se retrouver. On inverse notre perception : il y avait une progressivité vers le renforcement des restrictions, il y a à présent une progressivité vers le déconfinement. 

"Les relations à distance, le télé-présentiel a néanmoins révélé une forme de solidarité distancielle".

"Il y a une ligne de partage entre ceux qui pouvaient encaisser cette distanciation sociale, qui pouvaient dégager une forme de réflexion, de temps dédié à eux ou à la famille, et ceux happés par le fait qu'ils ne pouvaient pas encaisser cette mise en retrait, en raison de l'isolement, l'inquiétude pour leur activité professionnelle... Le confinement pour eux a été gangrené par l'angoisse".

Le retour de la vie sociale : un sentiment partagé

Il y a ceux qui l'attendaient, et ceux qui ont une légère angoisse. La conscientisation du danger a augmenté. Le contexte d’incertitude et de risque est difficile pour l'apaisement des relations humaines. 

Dans des contextes de proximité forcée, dans le métro ou au travail, il y aura une augmentation de l'angoisse et des tensions. Ce n'est pas quelque chose de définitif. Les gens sont conscients qu'avec les gestes barrières, un reconfinement pourra être évité, et que ce n'est qu'un moment a passer.

Le retour de la société du care ?

"On sort d'un moment ou l'ordinaire, la proximité...  tout ce qu'on peut appeler la société du care et de l'utilité sociale a été fortement valorisé. On ne peut pas dire encore si cela durable, mais ces valeurs ont été fortement valorisées"



Faut-il faire confiance à la confiance ?


Police, vaccin, responsables politiques... il faudrait, face à la défiance, rétablir la confiance. Mais la confiance, avec ses déceptions et son peu de garanties, est-elle vraiment fiable ?

Il y a des notions comme ça, qui, tout à coup, ont le vent en poupe, qui viennent ou qui reviennent dans le débat : ces derniers temps, c’est donc celle de la confiance. Rétablir la confiance dans la police, retrouver la confiance dans les institutions ou dans les responsables politiques, créer de la confiance dans un vaccin, restaurer la confiance dans les médias… tout est bon pour ranimer cette confiance qui a laissé place à la défiance. 


Pas à la méfiance, mais à la défiance. En effet, aujourd’hui, on n’est pas simplement méfiant, on n’est pas simplement là à soupçonner une personne, des idées ou des actes, à peser le pour et le contre pour accorder (ou pas) notre confiance, on est carrément défiant, on provoque, on met au défi une personne, des idées ou des actes. 

Et il n’est plus tant question de confiance que du contraire : d’oppositions, de rejets ou d’impopularité. Et à raison, car je me demande : la confiance est-elle si fiable que ça ?


La confiance, pas si fiable...

A quel moment suis-je assurée d’accorder à raison ma confiance ? Peut-on décider, une fois pour toutes, qu’elle a été bien donnée et qu’elle ne sera pas entamée ?

On aura beau tenter de vérifier, de se prémunir, d’avoir des gages, qu’est-ce qui nous prouve que la confiance sera toujours intacte ? On peut reprocher à la confiance d’être aveugle, mais de fait, une confiance peut-elle être lucide ? 

Quand j’étais petite, ma mère me disait de ne pas faire confiance aux inconnus, mais ceux que je connaissais, les connus, étaient-ils pour autant dignes de confiance ? Des années plus tard, je ne crois pas. Alors, qu’est-ce qui me garantit que j’ai bien fait de la leur donner ?  

C’est le paradoxe de la confiance : on ne peut pas lui faire confiance. Elle contient en elle-même une part de risques, d'aveuglement, d'erreurs et de déceptions. Elle n’est pas fiable. Et pas plus fiable que la défiance…

Car, pensez-y, celui qui passe son temps à tout défier, pourra toujours se draper dans l’inaction, et dans la dignité de celui qui critique, qui interroge, qui met en doute, il pourra toujours se cacher dans l’excuse de celui qui avait réfléchi, calculé, qui avait soit-disant tout vu et ne s'est jamais trompé, mais le confiant, lui, il n’a pas plus certitudes, mais il se lance et il n’a aucun filet, jamais. 

Incertitudes, aveuglement et déceptions

Si celui qui est confiant, risque plus que celui qui est défiant, s’il n’a pas plus de certitudes ni moins de doutes, à quoi bon promouvoir la confiance, à quoi bon vouloir la retrouver ou la restaurer ? 

Le philosophe et sociologue allemand, Georg Simmel, l’explique très bien dans son livre, Sociologie. Etude sur les formes de la socialisation : 

« Celui qui sait tout n’a pas besoin de faire confiance, celui qui ne sait rien ne peut raisonnablement même pas faire confiance”. 

Vouloir restaurer la confiance, c’est-à-dire cet état intermédiaire (entre tout savoir et ne rien savoir) a donc quelque chose d’impossible, car comment restaurer cet entre-deux, ce quelque chose de bancal, et surtout : qui pourrait être assez fou pour promouvoir, ou se lancer, dans cette confiance qui, loin d’être flatteuse, stable, confortable, est incertaine, risquée, parfois aveugle et souvent déçue ? 

Voilà, une chose à laquelle on peut se fier : il est plus facile d’être sûr de ses défiances que de se lancer dans l’incertitude de la confiance. 


Source : France Culture - Carnet de Philo - Géraldine Mosna-Savoye