jeudi 12 mai 2022

Grospiron, Pelous… les conférenciers sportifs, témoins des maux de l’entreprise... par Jules Thomas


D’anciennes gloires du sport sont invitées à faire passer les messages des manageurs - 12/05/2022 12:49 Le Monde

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D’anciennes gloires du sport sont invitées à faire passer les messages des

manageurs.

 Fort de plusieurs centaines d’interventions dans des sociétés de tailles et de

secteurs multiples, Fabien Pelous, joueur le plus sélectionné en équipe de France de rugby

(1995-2007), sait de quoi il parle.

Depuis quelque temps, on sent que les collaborateurs ont besoin de se revoir en équipe après le

Covid-19. Avec le télétravail, on se heurte à un gros écueil pour générer de la solidarité entre

les personnes. »

« On fait appel à moi pour mettre l’accent sur la performance

collective. Le rugby, c’est associer toutes les fonctions et tous les gabarits pour aller vers un même

objectif. »

Si les champions peuvent devenir entrepreneurs ou salariés après leur retraite sportive, certains

capitalisent sur leur notoriété : depuis une dizaine d’années, les agences mettant en relation des

entreprises et des sportifs prospèrent. Les demandeurs sont souvent des grandes entreprises, comme

des constructeurs automobiles, des banques ou des cabinets de conseil,

, selon Mathieu Aboudaram, PDG de WeChamp, agence née il y a cinq ans.

« mais aussi de plus en plus de PME et de start-up »

Motivation, courage, travail en équipe, dépassement de soi, rebond après un échec… 


Les enjeux des entreprises rejoignent en de nombreux points ceux du sport. Champion olympique de ski de bosses à Albertville en 1992, Edgar Grospiron est le plus aguerri des conférenciers : il effectue quatre-vingts interventions par an depuis quinze ans, à 8 500 euros pièce.

Il s’est formé, à partir de 2001, au management et a appris les ressorts théoriques de la motivation au travail en étant formateur.

« Quand j’étais athlète, des sponsors m’ont demandé de raconter ma vie devant leurs équipes. J’ai trouvé ça valorisant, mais je ne voyais pas en quoi cela pouvait être un métier. »

« Dans un univers qui fait rêver »

En règle générale, l’intérêt purement managérial d’une conférence paraît limité.

raconte Fabien Pelous. « Je me suis formé sur le tas Je ne fais que traduire en terminologie d’entreprise ce que j’ai vécu dans le

sport. Attention, je ne peux pas répondre à toutes les problématiques : je ne vais pas inventer un propos

sur le télétravail, je n’ai c’est d’ouvrir des cases dans le cerveau sur des façons de manager. »

jamais fait de “télérugby”. Mon but,

En effet, l’essentiel est ailleurs : les intervenants, en personnalisant le management, peuvent transmettre

des messages que les manageurs n’arrivent plus à faire passer.

, explique Julien Pierre, maître de conférences en sociologie et management du sport à

l’université de Strasbourg. Le chercheur identifie trois fonctions dans le récit de ces sportifs :

« L’objectif du chef d’entreprise qui fait appel à un sportif est de développer un discours qui est sensiblement le même que le sien, mais dans un univers qui fait rêver les gens : il y a des soucis de résistance au changement et il souhaite susciter un déclic »

« Il y a

d’abord une logique confessionnelle : ils vont capter l’auditoire par la confidence, et créer un cocon où

des messages peuvent passer plus facilement ; une logique probatoire, c’est-à-dire qu’ils vont partager

leur méthodologie d’accès à la performance dans un environnement instable ; et, enfin, une fonction

romanesque : ils insistent sur le meilleur, le plus spectaculaire dans leur carrière, vous passent une

vidéo de leurs exploits. »

Avec l’expérience, les conférenciers apprennent à s’adapter à leur public : Edgar Grospiron

. Il identifie quatre cas de figure :

. , précise M. Pelous,

« demande à

l’entreprise où elle veut être dans un an » « L’entreprise en phase de

conquête, la boîte au top qui veut le rester, celle qui veut rebondir après une crise et celle qui veut lever

des résistances au changement » « Je demande le cadre de l’intervention si je  m’adresse à des manageurs, collaborateurs… Je parle beaucoup de management de proximité, du rôle du capitaine : c’est le responsable au milieu de son équipe, pas un top manageur. »

Ces deux dernières années, certaines problématiques ont pris le dessus, assure Mathieu Aboudaram,

Edgar Grospiron a dû se convertir aux conférences en visio.  constate l’ancien skieur.

« Les grandes thématiques sont le management hybride et l’esprit d’équipe car il y a beaucoup de difficultés au niveau du lien dans les entreprises. La résilience était numéro un pendant la pandémie. »

On sent les RH en galère.

"Le télétravail impacte positivement les collaborateurs, mais négativement les manageurs : à distance, et

ayant moins de temps, ils doivent être plus impactants. »

Au-delà de la pandémie, Fabien Pelous a vu émerger des tendances de fond. « Je remarque que des sujets

n’existaient pas il y a dix ans : l’équilibre entre temps de travail et vie privée, le sens du travail pour les

métiers de bureau où le numérique est prégnant… Ce qui manque aux gens, c’est la relation humaine.

C’est le travail du manageur. On dit dans le rugby que l’entraîneur doit être entraînant, fédérer à côté de

lui pour que les gens aient envie de faire des choses. C’est ça, le bonheur au travail, ce n’est pas une

colonie de vacances. »

Le retour à la normale – ou presque – entraîne un rebond des réservations, puisque les séminaires

peuvent repartir. L’opérateur télécoms indien Tata Communications a fait intervenir le skieur lors d’un

grand rassemblement de ses équipes européennes, à Paris, début avril, décrit Edouard de Voisins, directeur commercial France et Benelux.

« C’était notre premier rassemblement en présentiel en deux ans. Les Non-Français ne le connaissaient pas, mais un exploit sportif, ça parle à tout le monde. »

Si le geste peut sembler anecdotique, il n’en demeure pas moins un atout de marque employeur. 

« On offre de la reconnaissance aux salariés, qui vont rencontrer quelqu’un à qui ils n’auraient jamais eu accèss’ils n’avaient pas travaillé dans cette entreprise », conclut Julien Pierre.

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