vendredi 29 janvier 2021
jeudi 28 janvier 2021
Boris Cyrulnik et Bruno Latour à la Grande Librairie
Quelles leçons pouvons-nous tirer de l'épreuve du confinement ? À quoi ressemblera le monde de demain et sera-t-il si différent ? Pourrons-nous nous y adapter et avec quelles conséquences sur nos vies quotidiennes ? Prendrons-nous conscience que la crise sanitaire actuelle s'encastre dans une autre crise encore plus grave : l'écologique ?
Bruno Latour est un sociologue et philosophe dont les ouvrages traitent de la mutation écologique. Dans "Où suis-je ?", il affirme qu’il nous faut tout réinventer : une passionnante réflexion sur le confinement et un stimulant éloge de la métamorphose.mercredi 27 janvier 2021
Pascal Picq : Femmes, entreprises et anthropologie
Depuis six ans, le McKinsey Gobal Institute (World Economic Forum Global Gender Gap Report 2020.) publie des enquêtes annuelles sur l’état des inégalités envers les femmes dans les entreprises. Sur cette courte période, des avancées très sensibles se confirment, mais brutalement remises en cause par la crise de la Covid-19 (Women UN Covid 19 and ending violence against women and girls 2020.). Par ailleurs, une étude du World Economical Forum (3-McKinsey Global Institute Women in the Workplace 2020.) montre que les gouvernements ont établi depuis une décennie des droits et des réglementations de plus en plus égalitaires, dont six pays jugés comme étant parfaitement égalitaires, tous européens dont la France.
Malgré ces avancées objectives, les inégalités persistent dans nos sociétés, que ce soit dans le domaine privé pour la répartition des tâches domestiques, comme dans les institutions et les entreprises. Que faire ? La raison éthique s’affirme et influence de plus en plus nos sociétés. Cependant, les violences, les formes de coercitions et de discriminations continuent : elles sont très marquées dans la sphère privée et dans le monde politique, mais de moins en moins dans les entreprises. Au vu des coûts estimés de ces discriminations, on s’étonne que la raison économique ne l’emporte pas plus nettement. Ce qu’on appelle le « costly business of discrimination » s’évalue en millions de milliards de dollars, rien que pour les discriminations économiques envers les femmes.
Si les filles et les femmes jouissent dorénavant d’un accès presque égalitaire aux études et aux soins, à peu près partout dans le monde, comment se fait-il qu’elles soient si peu représentées dans les secteurs les plus émergents et innovants de l’économie (frontier economy), en lien notamment avec les technologies du numérique ? Même si les jeunes femmes sortent plus diplômées de l’enseignement secondaire, en particulier dans les sciences, elles s’orientent peu vers les métiers d’ingénieur, les nouvelles technologies ou la finance. Si les législations et réglementations en matière de discrimination sont acquises, si l’accès aux universités et aux grandes écoles s’est démocratisé et si toutes les études économiques et sociologiques dénoncent l’inanité de ces discriminations, pourquoi persistent-elles dès lors dans le monde économique, en politique et dans la sphère privée ? C’est une gigantesque question d’anthropologie qui n’a, pour l’instant, été qu’à peine explorée (Pascal Picq Et l’Evolution créa la Femme Odile Jacob 2020).
Depuis le 18e siècle, les philosophies politiques s’interrogent sur les origines de nos sociétés, selon deux hypothèses radicalement opposées : d’un côté, Jean-Jacques Rousseau et les bons sauvages et, de l’autre, Thomas Hobbes et la sauvagerie primitive. Le 19e siècle, celui de la révolution industrielle avec les théories de l’évolution et du progrès, se caractérise par un fort antagonisme sexuel avec des législations civiles, comme le Code Napoléon, et réglementaires dans le monde du travail, discriminant les femmes à la fois sur les plans civiques et civiles. C’est dans ce contexte machiste et patriarcal que naissent la paléoanthropologie, l’ethnographie et la préhistoire. S’édifie alors un discours universaliste qui part d’une certaine idée de la préhistoire jusqu’à la domination des sociétés occidentales modernes sur le monde grâce aux sciences et aux techniques, portée par une culture patriarcale.
Cette représentation perdure jusque dans les années 1970 avec le modèle de l’homme-chasseur et la femme dans la grotte, qui transpose dans la préhistoire le modèle social des « Trente Glorieuses » avec l’homme au travail et la femme au foyer. Elle persiste dans l’enseignement et les programmes scolaires mais aussi, hélas, au sein des universités et des grandes écoles, malgré de plus en plus d’enseignements autour du genre.
A partir des années 1970 émerge un autre modèle, sous l’impulsion de l’anthropologie féministe – Women studies -, portée par les mouvements de libération des femmes. Cette fois, les premières sociétés humaines auraient été matriarcales, égalitaires, écologiques et pacifiques. Mais à la faveur des inventions des agricultures et, plus tard, des premiers âges des métaux, les sociétés patriarcales se seraient imposées. Cette hypothèse s’affirme au cours des dernières décennies, avec une forte remise en cause des sociétés patriarcales, motivée par la dénonciation des sévices subis par les femmes et les préoccupations écologistes. Mais qu’en est-il en regard des connaissances actuelles de la paléoanthropologie et de l’archéologie préhistorique ?
La comparaison avec les espèces les plus proches de nous, comme les grands singes africains que sont les gorilles, les chimpanzés et les bonobos, révèle que notre espèce Homo sapiens est globalement très coercitive et violente envers ses femelles que sont les femmes. Est-ce une fatalité venue de nos origines ? Impossible à trancher entre le modèle bonobo égalitaire et le modèle chimpanzé coercitif. Plus largement, il ressort qu’il n’y a pas de lignée de singes systématiquement coercitive, quelles que soient les conditions écologiques. C’est donc une affaire de relations sociales et de pouvoir entre les femelles et les mâles.
Depuis quand les sociétés humaines oppressent-elles les femmes ? Les données de la paléoanthropologie et de l’archéologie préhistorique ne permettent pas de trancher, sachant que des milliers de sociétés préhistoriques de différentes espèces humaines ont existé et coexisté pendant des centaines de milliers d’années sur tout l’Ancien Monde (Afrique, Asie, Europe), avec une diversité insoupçonnée, suggérant un vaste champ des possibles sociétaux. Ce n’est que vers la toute fin de la préhistoire, au Paléolithique supérieur entre 45 000 à 10 000 ans avant JC, qu’émergent des sociétés avec des économies de chasse et de collecte de plus en plus complexes. Elles deviennent plus sédentaires, organisent des stocks, produisent des richesses, accroissent leur démographie…, certaines inventant de grandes civilisations. Il s’ensuit des tensions entre ces sociétés plus organisées et les autres plus traditionnelles et nomades avec des guerres, des massacres, de l’esclavagisme, en particulier à l’encontre des femmes. Il faut comprendre qu’apparaissent des sociétés aux organisations économiques, sociales et politiques plus complexes et agressives, aux côtés d’autres plus égalitaires. Cependant, il n’y a pas de corrélation évidente entre des systèmes économiques, de chasse et de collecte, horticole, agricole ou industrielle et des sociétés plus ou moins discriminantes et coercitive. S’il ne fait aucun doute que la production de richesses favorise les inégalités, elles ne sont pas à l’origine des discriminations et des coercitions envers les femmes, tout au plus elles ne sont que des facteurs aggravants. Les raisons premières sont avant tout anthropologiques, autrement dit sociales, culturelles et idéologiques. Pour être encore plus précis, tout est lié à la volonté des hommes de contrôler les femmes et à leur quête de statut par rapport aux autres hommes.
Il semble que les sociétés humaines n’ont jamais été, en général, très aimables avec les femmes. En fait, il a existé une grande diversité d’expériences sociales, qui ne suit pas un chemin linéaire, uniforme et progressiste. Le 19e siècle se distingue comme l’une des périodes les plus marquées en termes d’antagonisme sexuel. Le 20e siècle est marqué par les revendications des femmes pour se dégager de ce carcan qui, pour leur malheur, accompagne la révolution industrielle. Elles font alors l’objet de discriminations à l’emploi dans les usines. Et pour justifier cela, on renvoie les causes à la préhistoire. Par exemple, toutes les représentations montrent que ce sont des hommes qui sont à l’origine des innovations techniques – c’est-à-dire des moyens de production. Or, on n’en sait rien, que ce soit pour les outils fabriqués en pierre, le feu, les modes de préparation et de conservation des aliments, les confections d’habits, les constructions d’habitats ou encore les différentes formes d’art… Mais à force de telles représentations biaisées, destinées à justifier par les origines les conditions contemporaines de la domination masculine, les petits garçons et les petites filles intègrent cette idéologie genrée. Résultat, les jeunes femmes hésitent à s’orienter vers les métiers techniques tandis que les entreprises peinent à trouver les talents nécessaires.
La crise de la Covid-19 intervient brutalement dans un contexte d’amélioration, aussi récent que fragile (Pascal Picq S’adapter ou Périe. Covid 19 faire Front Editions de l’Aube 2020). Les discussions autour du télétravail en offre une parfaite illustration. Le spectre des discriminations rejaillit avec la tendance à renvoyer les femmes dans leur foyer, pour y effectuer des tâches domestiques et éducatives, s’ajoutant au fait qu’elles subissent déjà davantage les contraintes du travail à temps partiel. On retrouve la situation de la fin du 19e siècle, avec les machines à coudre Singer renvoyant les femmes dans leur foyer. On renoue là avec les mêmes comportements favorisant la domination des mâles chez les singes ou des hommes dans nos sociétés : limiter la présence des femmes dans l’entreprise, éviter leur coalition et les empêcher de tisser des liens avec des hommes influents, sensibles à leurs talents. En fait, plus que la transformation numérique, c’est la place des femmes dans les entreprises qui assurera leur adaptabilité et leur succès (Pascal Picq Sapiens face à Sapiens Flammarion 2019). Il est grand temps que l’éthologie et l’anthropologie entrent dans le monde économique et social.
-Pascal PICQ Et l’Evolution créa la Femme. Odile Jacob 2020.
-Pascal PICQ S’adapter ou périr. Covid 19 : faire Front – dialogue avec Denis Lafay. Editions de l’Aube 2020.
-Pascal PICQ Sapiens face à Sapiens Flammarion 2019.
1-World Economic Forum Global Gender Gap Report 2020.
2-Women UN Covid 19 and ending violence against women and girls 2020.
3-McKinsey Global Institute Women in the Workplace 2020.
Pascal Picq : "s'adapter ou périr"
"Les enseignements de la pandémie de Covid-19 au révélateur de sa science anthropologique, mais aussi de ses convictions et de ses engagements d'Homme : voilà les trésors que partage Pascal Picq dans ce dense dialogue, qui met comme jamais en lumière les attributs de "l'évolution" : plus que jamais, en effet, à l'épreuve de l'événement sanitaire, économique, social, (géo)politique, entrepreneurial, qui frappe la planète, n'est-il pas capital de se placer en situation, en condition, en volonté de s'adapter ? Jamais autant qu'aujourd'hui n'a été espérée une "société évolutionnaire", jamais autant qu'aujourd'hui n'est apparue aussi cardinale la conscience que chaque décision, chaque acte accompli maintenant détermine le "jeu des possibles" des générations futures. Oui, il s'agit bien de s'adapter. Ou de prendre le risque de disparaître." Denis Lafay.
Pascal Picq : Femmes, Entreprises et Adaptation
mardi 26 janvier 2021
Boris Cyrulnik : "Des âmes et des saisons", Ed. Odile Jacob
Notre culture a perdu la boussole, nous naviguons à vue, bousculés par les événements, errant là où le vent nous porte. Il nous faut reprendre un cap, car nous venons de comprendre que l’homme n’est pas au-dessus de la nature, n’est pas supérieur aux animaux, il est dans la nature. La domination, qui a été une adaptation pour survivre, aujourd’hui ne produit que du malheur.
Une étoile du berger nous indique cependant la nouvelle direction, vers l’unité de la Terre et du monde vivant. » B. C.
Mike Horn : Pionnier de la révolution verte
Dakar: Mike Horn, pionnier de la révolution verte
INFOGRAPHIE - Avec Cyril Despres, quintuple vainqueur du rallye-raid, l’aventurier veut s’imposer en 2023 au volant d’un bolide à hydrogène.
La 43e édition du Dakar s’est élancée samedi de Djeddah pour une aventure de deux semaines, jusqu’au 15 janvier, dans le désert saoudien. L’épreuve reine du rallye-raid n’a, une nouvelle fois, pas échappé aux critiques de ses détracteurs dénonçant inlassablement l’impact carbone engendré par les 296 véhicules au départ (contre 342 l’an passé) et s’apprêtant à avaler 7 645 km de piste dans un pays, en plus, pointé du doigt pour ses infractions répétées aux droits de l’homme.
Sur le volet environnemental, au moins, les organisateurs vont pouvoir frapper vite et fort pour faire taire les voix qui grondent. Pour rompre avec l’encombrante image de pollueur qui lui colle à la peau et qui a fait fuir une partie des sponsors, l’épreuve a lancé une vraie révolution verte. Après avoir vu naître quelques projets de véhicules roulant aux énergies alternatives à faible émission, habiles mais éphémères coups de communication, Amaury Sport Organisation, propriétaire de l’épreuve, a ouvert la très ambitieuse page de l’hydrogène.
Ne nous y trompons pas, avec son barnum itinérant de 2 000 personnes, le Dakar ne pourra jamais être considéré comme une épreuve écologique. Mais, avec une flotte de véhicules à hydrogène rejetant uniquement de l’eau (et dans la mesure où le dihydrogène serait lui-même produit de manière propre, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui), le Dakar réduira considérablement son impact carbone à moyen terme. Cette conversion a déjà séduit Audi, qui a annoncé son retour sur l’épreuve, dès 2022, mais avec une technologie hybride en se servant du rallye-raid comme banc d’essai.
Deux projets «verts » ont aussi été lancés: celui de Guerlain Chicherit, baptisé «GCK e-Blast 1», basé sur un buggy Peugeot, et un autre, mené par la paire Cyril Despres-Mike Horn, «Gen Z». Leur but? Placer sur la ligne de départ de l’édition 2023 deux bolides à hydrogène.
Quelques jours seulement après avoir risqué sa vie dans une périlleuse traversée en Arctique en novembre 2019, l’aventurier Mike Horn avait accepté de participer au pied levé à l’édition 2020 en compagnie de Despres, quintuple vainqueur de l’épreuve à moto (entre 2007 et 2013). Un engagement en tant que copilote dans un buggy léger, peu polluant et bondissant à 120 km/h, qui avait placé l’explorateur sous le feu des critiques. «Ça changeait des grosses voitures qui roulent à fond, quand même, mais ce Dakar ne collait pas à mon image. Je m’en suis pris plein la figure, même si les gens ne savaient pas toutes les actions que je fais pour la planète. Mais j’ai écouté ce qu’on m’a dit», confie Horn.
Contraints à l’abandon après sept étapes, les deux hommes avaient planché sur un autre défi, avec plus de sens. «Je ne voulais plus courir avec un team officiel et foncer à 200 km/h dans le désert. Je cherchais quelque chose de différent», confirme Despres, troisième en 2017 avec Peugeot, sur quatre roues, cette fois. «Avec les enjeux environnementaux actuels, le Dakar ne pourra pas continuer comme cela longtemps. Sinon, il est fini, mort!», tranche le natif de Johannesburg. L’idée d’un buggy à hydrogène s’est assez rapidement imposée, dès février, après discussion avec des ingénieurs. L’association avec le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) conclue en novembre a permis de donner un bon coup d’accélérateur au programme. «Nous sommes des compétiteurs et on ne voulait pas perdre sept à huit ans pour y arriver. Avec le soutien des meilleurs ingénieurs du CEA, cette voiture sera une réalité dans trois ans», assure Despres.
Pari assumé
Pour le moment, les deux hommes doivent se débrouiller sans le soutien d’un constructeur. Un pari assumé par l’aventurier au discours sans filtre. «Ça aurait été de toute façon compliqué avec des marques. Ce sont des structures tellement lourdes avec toute la merde qui tourne autour, le lobbying, le commerce… On est deux blaireaux soutenus par des boîtes d’ingénieurs très sérieuses», plaisante l’ancien animateur des émissions «The Island» et «À l’état sauvage» sur M6.
Mike Horn le sait: à terme, le soutien d’une marque sera indispensable pour accompagner l’ambitieux projet. Le duo doit d’abord faire ses preuves cette année avant de rêver plus grand, au volant d’une Peugeot 3008 DKR, une voiture à moteur thermique préparée par le Team Abu Dhabi Racing. Le CEA a placé à l’intérieur un boîtier de 5 kg qui recueillera des données scientifiques ensuite transmises au bureau d’ingénierie. L’objectif sera donc d’être à l’arrivée à Djeddah dans une quinzaine de jours avec un maximum de données pour préparer l’avenir. «Je vais quand même devoir freiner les ardeurs de Mike, qui veut toujours aller plus vite», prévient Despres, aussitôt repris par son compère et ami de longue date: «J’aurais pu rester dans ma zone de confort, mais ce n’est pas ma vision des choses. La participation me fait chier. Je ne veux pas juste exister, je veux vivre. Et pour vivre, il faut gagner et être dans la compétition.»
Julia de Funes "Les étoiles de l'économie"
La conférencière réfléchit beaucoup à la place du travail dans notre monde. Pour la soirée des « Etoiles de l’économie », ce mardi 26 janvier à 18 heures, elle nous aidera à mieux l’apprécier en temps de pandémie.
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Julia de Funès interviendra ce mardi soir lors de la soirée des Etoiles de l’économie, diffusée en direct du Palais de Pau à 18 heures. |
Ce n’est pas un hasard si Julia de Funès figure parmi les philosophes écoutés des chefs d’entreprises. Pas non plus un hasard si notre journal a décidé ce mardi de l’inviter, en distantiel malheureusement, au cours de notre soirée des Etoiles de l’économie (lire par ailleurs). D’abord parce qu’en plus de son doctorat en philosophie, la conférencière peut s’enorgueillir d’un DESS en Ressources humaines, et d’avoir travaillé 10 ans dans ce domaine.
Elle s’est donc nourrie de cette expérience en entreprise pour étayer ses réflexions sur les fondamentaux, et parfois les poncifs qui nourrissent le monde de l’entreprenariat. On se souvient du coup de fouet que son livre, cosigné avec Nicolas Bouzou, « La comédie (in)humaine » avait constitué chez les managers, expliquant que les process omniprésents dans les grandes structures avaient complètement fait fuir les talents. Avec la pandémie, l’émergence brutale et forcée du télétravail – sujet sur lequel elle a d’ailleurs beaucoup été mise en avant sur les plateaux télé ces derniers temps.
La crise, et après ?
Au travers de son petit opus dans la collection « Et après ? » opportunément lancée en pleine pandémie par les éditions de l’Observatoire, elle revient sur les grandes questions qui ont saisi tout un chacun, mais aussi les chefs d’entreprises quand, en mars dernier, tout a changé…
Au départ, la collection voulait nous parler du « monde d’après », auquel plus personne ne se risque de tracer les contours ces derniers temps, tant le bout du tunnel semble encore loin et incertain… Fine mouche, Julia de Funès avait pourtant intitulé son ouvrage « Ce qui changerait sans tout changer ». « J’ai commencé à écrire alors qu’on était en plein confinement, et qu’il était difficile de deviner ce qui allait se passer. Le titre est une référence au Guépard ».
On connaît la fameuse phrase de Lampedusa, « tout doit changer pour que rien ne change », et c’est un peu la thèse de ce bref e-book qui vient nous rappeler l’essentiel en convoquant aussi bien Alain qu’Aristote ou Bachelard. Au travers quelques thématiques quotidiennes, Julia de Funès rappelle des vérités intangibles en ces temps si mouvants.
Qu’il faut « profiter de la rupture, du temps d’arrêt de la catastrophe, pour ne pas sombrer dans l’immobilisme ». Que l’épisode nous montre combien le travail comme but est vain, et qu’il faut précisément lui trouver un sens pour cette raison.
Fidèle à sa méthode, qui est de fuir les recettes toutes faites des coaches en développement personnel, elle relève combien la hiérarchie des métiers a été finalement retrouvée entre ces métiers essentiels et les « bullshit jobs » qui envahissent les grands comités exécutifs. Surtout, à éviter les prédictions trop hasardeuses, elle préserve une actualité à son texte, malgré ce monde d’après qui n’arrive toujours pas…
lundi 25 janvier 2021
Jacques Attali "L'histoire des médias"
Jacques Attali publie "Histoires des médias", chez Fayard. Une analyse dense, passionnante ... et apocalyptique.
Le livre de Jacques Attali est sortie en librairie mercredi 18 janvier. Une Histoire des médias. 5000 ans en 500 pages. Une somme aérée, fluide, très facile à lire. Un pavé qui fourmille de petites histoires dans la grande Histoire. Un ouvrage qui nous rappelle, à sa manière, que les médias sont un peu le parent pauvre de l’université française. Les chercheurs qui s’y sont attelés le savent pertinemment. Ils sont un peu isolés et la matière ne paraît guère noble aux yeux de nos facultés. Les anglo-saxons, eux, ont compris depuis fort longtemps que la télévision ou encore les algorithmes, produisent le discours, façonnent l’imaginaire collectif, structurent nos rapports sociaux et constituent ainsi des terrains de réflexion riches, complexes, cruciaux pour penser nos sociétés. Jacques Attali s’est retroussé les manches. Je vous préviens. Son analyse, passionnante, n’est pas pessimiste, elle est apocalyptique.
vendredi 22 janvier 2021
Frédéric Lenoir : « Sages, mystiques et maîtres spirituels ».
Cette nouvelle édition compacte reprend l’ouvrage « Le livre des sagesses » paru en 2002, que j’avais dirigé avec Ysé Tardan-Masquelier. Il parcourt de manière chronologique l’aventure spirituelle de l’humanité du IVe millénaire av. J-C. jusqu’à nos jours, à travers des figures mystiques du monde entier et une anthologie de textes”. Frédéric https://www.fredericlenoir.com/…/sages-mystiques-et…/
Livre : Avec Jean-Claude Guillebaud, du cynisme à la douceur
ISTOCK
Entrer dans la douceur, telle est la proposition du journaliste et essayiste Jean-Claude Guillebaud dans son nouvel ouvrage (l'Iconoclaste). Comme un antidote à la folie du monde.
De l'aveu même de son auteur, ce nouvel essai est la suite naturelle - pour ne pas dire le complément ou le chapitre échappé - de son précédent ouvrage, Sauver la beauté du monde (l'Iconoclaste, 2019). C'est donc avec le plaisir d'une conversation réengagée que l'on se plonge dans ces pages écrites entre mars et septembre 2020, au coeur de la crise sanitaire mondiale liée au Covid-19.
Or, cet imprévu historique fait davantage résonner le propos du livre. Après une année 2020 durant laquelle nous aurons été plus que jamais bousculés par les cahots et les chaos du monde, notre propre sidération pourrait laisser place à une certaine résignation.
Souffle court, incrédule, qui ne s'est jamais laissé tenter par une forme de démission, tant il semble plus facile de se replier sur soi que de vouloir encore faire plier tous ceux qui imposent leurs idées, leurs fonctionnements, leur loi ? Jean-Claude Guillebaud dresse un diagnostic sans concession de ces folies confortablement installées aujourd'hui au coeur même de nos sociétés, de nos conversations et nos mentalités : esprit de compétition permanente, égoïsme triomphant, consentement aux inégalités et à la souffrance, paroles creuses ou expressions tellement usées qu'on en a perdu la saveur, cynisme satisfait de certaines élites politiques et médiatiques, nihilisme sourd...
Autant de maux que les lecteurs de La Vie ont l'habitude de voir épingler dans le Bloc-notes de notre hebdomadaire par le journaliste et essayiste chaque semaine. C'est donc en familiers que nous nous laissons guider par lui dans les pages d'écrivains et poètes qu'il affectionne, où il nous rappelle l'exemple de figures historiques, et même nous entraîne sur les chemins de Charente chers à son coeur, à la recherche d'un trésor perdu qui, seul, semble pouvoir réenchanter le monde.
« Voilà très longtemps que nous, Occidentaux, raisonnons à l'envers, écrit-il. Nous n'avons pas seulement oublié la douceur, nous l'avons congédiée. » Qu'est-ce, au fond, que la douceur ? De prime abord, le terme peut surprendre, et l'auteur s'en explique bien, jusqu'à justifier pourquoi il le préfère dans toute sa simplicité au mot de « tendresse » qu'affectionnait son ami le théologien Maurice Bellet. Car la douceur va au-delà du sentiment et de son expression ; elle irrigue tout l'être de celui qui l'accueille. Si elle est fragilité, elle n'est jamais faiblesse.
À travers l'exemple de deux Jeanne - Jeanne d'Arc et Joan Baez -, nous redécouvrons qu'elle demande plus de force que la violence, car elle est une force qui se contient elle-même. Jusqu'à - peut-être ? - se concentrer, comme on concentrerait une essence, dans l'expression même d'une forme extrême de délicatesse.
De page en page, Jean-Claude Guillebaud révèle à quel point cette idée peut nous renouveler, personnellement comme collectivement, en réveillant le meilleur de chacune et de chacun, ainsi que l'esprit d'entraide entre créatures qui est la seule vraie loi de la Création. Car tel est, sans doute, l'ultime secret que cet essai nous fait toucher - ou plutôt précautionneusement effleurer : avant toute chose, la douceur est relation.'
jeudi 21 janvier 2021
Comment dépasser son ego pour mieux vivre ? Idriss Aberkane répond
Essayiste et brillant conférencier, Idriss Aberkane est de ceux qui marquent les esprits et ne laissent pas indifférent. Nous l’avons interviewé à l’occasion de la sortie de son nouveau livre, "i".
Ses premiers essais, "Libérez votre cerveau !" (2016) et "L’âge de la connaissance" (2018) ont propulsé en pleine lumière ce trentenaire de génie, titulaire de trois doctorats, consultant international, éditorialiste au Point et président de la fondation Bioniria. Le voilà qui revient avec "i", un objet littéraire non identifié, qui mêle poésies et théories, avec "pour but de produire des effets qui s’auto-organisent en conscience". Un ouvrage à la fois très personnel et universel qui, une fois de plus, suscite curiosité et questionnements.
"Quand j’entre dans un domaine, j’essaie de ne pas le voir comme mes pairs. Cela m’a valu de l’admiration mais du mépris aussi. Mon mentor Serge Soudoplatoff, un grand spécialiste d’Internet et qui a beaucoup déterminé mon identité professionnelle, m’avait dit que dans ce monde, on est coincé entre les orthodoxes, les bons élèves et les hétérodoxes, les mauvais élèves et qu’il faut essayer d’être hyperdoxe pour dépasser les deux premières catégories. C’est pour ça que j’ai marqué "hyperdoctor" sur mon compte twitter. Personne ne le sait mais ça n’est pas parce que j’ai plusieurs doctorats : mon approche, c’est d’essayer d’être hyperdoxe. Mais ça fait un peu pédant dit comme ça : je préfère citer des exemples humains, comme Diogène, qui est un sacrée référence pour moi !
La conscience revient souvent au fil des pages. Quelle en est votre définition ?
Et il se trouve qu’entre le moment où j’ai commencé ce recueil et le moment où je l’ai publié, j’ai fait une cérémonie de l’ayahuasca*. Et sous ayahuasca, on est projeté très spécifiquement dans la réponse à la question de la conscience et de ce qu’il se passe après la mort. Puisque l’Ayahuasca, c’est peut-être le plus puissant des dissociatifs. En neurosciences, je crois qu’on ne connaît pas de dissociatif plus puissant. Cela nous sépare complètement de notre corps, nous fait perdre toute notion de temps et d’espace et surtout toute notion de soi et de non-soi.
Cela devient très difficile, sous Ayahuasca, de déterminer qui est moi et qui est l’autre. C’est un peu comme si on prenait une théière et qu’on versait deux verres de thé : on obtient deux individus, deux egos. Et si on remet les deux verres dans la théière, on ne peut plus définir les individus. Sous Ayahuasca, c’est un peu la même chose. La conscience incarnée, que les soufis appellent la Nafs-i-Ammara, la conscience dans le corps, qu’on appelle aussi l’âme charnelle, ou encore le "monkey mind" c’est la tasse de thé. Et puis, quand on meurt, vraisemblablement et en tout cas c’est l’impression que donne l’Ayahuasca, on repart dans la théière. Cela devient très difficile de déterminer qui est qui, mais la conscience demeure. Sous Ayahuasca, on a cette conscience qui est beaucoup moins limitée dans le temps et dans l’espace et dans la définition du Soi. Cette vision du thé et de la théière, je l’ai eu en 2010 en passant une soirée avec les peules au Sénégal. Je suis citoyen d’honneur de plusieurs villages peules et représentant d’un mouvement peule, le mouvement du 22 septembre, qui demande réparation à la Suisse, et c’est avec ces peules que j’ai eu l’idée de la théière.
D’après cette idée, et vous l’évoquez dans votre livre, la réincarnation serait donc possible ?
Les religions abrahamiques et même le judaïsme ne nient absolument pas la possibilité de la réincarnation. J’en ai parlé à tout un tas de rabbins même conservateurs. En fait, le vrai débat c’est : "est-ce intéressant de s’en préoccuper de son vivant ?". Alors il y a des traditions spirituelles pour lesquelles la réponse est oui, comme les bouddhismes tibétains ou zen. Et il y a des traditions spirituelles pour lesquelles il ne vaut mieux pas. En ce qui me concerne, je trouve que la transmigration a une puissance poétique majeure.
Mais que c’est très souvent dans l’intérêt des personnes de ne pas trop y penser. D’abord parce que justement, si on est croyant, c’est dans la volonté de Dieu qu’on ne connaisse pas et c’est pour notre bien. Ensuite, je suis tout à fait d’accord avec ce fameux gourou en ligne très connu, Sadhguru, dont je trouve les conférences tout à fait brillantes, qui dit que le karma cesse avec l’ego. Dès qu’on retourne dans la théière, on n’a plus de karma (et il ne s’agit pas forcément de la mort, d’ailleurs).
On peut mourir en ayant un ego, et selon les soufis ou les indous ou les hassidim ou encore les franciscains, c’est la définition exacte de l’enfer. Mourir en n’ayant pas tué son ego, ce n’est pas agréable. Et c’est ce qu’on est en droit d’appeler un lieu déplaisant de la conscience comme l’enfer. Pour les bouddhistes en tout cas, c’est clair et net. Le Nirvana, c’est la dissolution de l’ego, que les juifs appellent Echad (l’unité) Bitul (l’extinction). Pour les mystiques juifs, par le Bitul on arrive à l’Echad. L’Echad, c’est le Nirvana. Et évidemment, tous recommandent de l’atteindre de son vivant, quand on est encore dans le corps. Pour les bouddhistes, ce n’est pas impossible de l’atteindre mais c’est réputé beaucoup plus dur. Le problème étant que si on se focalise trop sur les réincarnations, on finit par se focaliser trop sur le "moi je". Si on se focalise trop sur le "moi je", nécessairement, on régresse.
Pourquoi votre livre s’intitule-t-il "i" ?
C’est un titre que mon éditrice a recommandé. J’ai trouvé ça génial d’abord parce que la lettre ressemble à un aleph pour les arabes, c’est la première lettre de l’alphabet hébreu. C’est aussi la première lettre de mon prénom. Mais mon interprétation préférée, c’est que c’est un nombre en maths : i, c’est le nombre imaginaire, qui est égal à la racine de -1 et c’est un nombre ultra intéressant en mathématique. Parce que i à la puissance i donne un nombre réel. C’est fabuleux ! L’imaginaire à la puissance de l’imaginaire, c’est du réel. Ça donne matière à méditer… Je pense que Walt Disney et Jules Vernes n’auraient pas été contre ça. Pour les yogis, ce son "i" a une vibration très précise qui correspond au chakra du plexus solaire, manipura. Mais ce titre est aussi l’occasion de mettre les points sur les i.
Qui est ce personnage de Quichotte le Noir avec lequel votre livre s’achève ?
Quichotte Le Noir, c’est l’antépoète. Ce poème arrive à la fin du livre parce que ce personnage de l’antépoète me hante. Il me hante parce que mon "Saint Patron" qui s’appelle Idris Shah (un écrivain britannique soufi dont je recommande les livres dont son roman "Kara Kush") a dit, ce qui est terrifiant quand on y pense, "L’être humain a une capacité infinie au développement de soi mais il a une capacité tout aussi infinie à l’auto-destruction." Et l’antépoète, dans ce personnage que j’ai inventé, c’est l’ego éternel. C’est un truc qui ne peut pas mourir, en tout cas qui est convaincu qu’il ne peut pas mourir. C’est pour ça qu’il ressuscite. Il représente quelque chose qui est aussi décrit par Sadhguru dans une magnifique conférence qui parle d’"Alexandre le Grand Idiot" parce qu’il a utilisé sa vie pour tuer des gens, ce qui n’est pas la bonne façon de faire. Il dit surtout que la seule bonne décision qu’il aura prise selon la tradition indienne, c’est de ne pas boire à la fontaine d’immortalité. Alexandre Le Grand était parti chercher en Inde la fontaine d’immortalité et une fois face à cette fontaine, prêt à en boire, il voit un corbeau tout déplumé qui lui dit "Oh, malheureux, ne fait surtout pas ça ! Moi, j’en ai bu et ça fait des millions d’années que j’ère, tout déplumé. Je ne peux pas mourir et c’est la pire punition qui soit. Ne fais pas la même erreur que moi." Alexandre Le Grand ne boit pas à la fontaine d’immortalité, et Sadhguru dit que c’est la meilleure décision qu’il ait prise de toute sa vie. Ce jour-là, il a battu son antépoète.
L’antépoète, c’est cet ego éternel qui va dans la voie de la destruction plutôt que dans la voie du développement. C’est Quichotte Le Noir. Aberkan veut dire "Noir" en kabyle. Ce poème, "Quichotte le Noir", est optimistico-pessimiste ou l’inverse. Il y a le côté pessimiste qui reconnaît que l’être humain a une capacité infinie à l’autodestruction. Mais il y a aussi le côté optimiste qui dit qu’il ne peut pas gagner. Essayer de résister à l’union divine, c’est, sur le long terme, impossible. Pour les soufis comme pour les juifs, il n’y a qu’un seul éternel. C’est aussi simple que ça. Le monothéisme spirituel profond pose qu’il ne peut y avoir qu’un seul éternel. Donc, que l’enfer éternel n’existe pas. Cela ferait un deuxième éternel et pour le dogme des religions monothéistes, ce n’est pas possible. Donc en conséquence, puisque l’enfer et l’ego c’est la même chose, il ne peut pas y avoir d’ego éternel.
Et c’est pour ça que Quichotte Le Noir est noir, c’est parce que c’est l’ego. Mais c’est aussi un Quichotte. Il ne peut pas gagner. Il va perdre à la fin. Le livre se termine là-dessus parce que c’est à la fois vertigineux de pessimisme, en reconnaissant que l’être humain a une capacité infinie à la destruction, et en même temps, il n’y a qu’un seul éternel et l’ego ne peut pas durer éternellement donc l’enfer non plus. Et l’espoir est là."
**L’ayahuasca, ou yagé, est une plante psychotrope ainsi qu’une décoction de cette plante et d’une autre liane, employée par les chamans amérindiens lors de cérémonies de visions et de guérisons. Elle est interdite en France
Henri-Pena Ruiz : Chronique intempestive
"Promouvoir le respect des principes de la République", par Henri Pena-RuizChronique intempestive
mercredi 20 janvier 2021
Cynthia Fleury - Etienne Klein : Panser 2020, Penser 2021 quel monde préparons-nous ?
Dominique Reynié : "Les mouvements à l'origine de l'arrivée de Trump demeurent"
"Les mouvements à l'origine de l'arrivée de Trump demeurent", juge le politologue Dominique Reynié
INTERVIEW - Le politologue et ex-élu régional LR, était l'invité de LCI mercredi 20 janvier. Il est revenu sur la crise qui secoue les États-Unis au jour de l’investiture de Joe Biden.
Jour-J aux États-Unis, avec l’investiture de Joe Biden. Mercredi 20 janvier, à midi heure locale, Donald Trump ne sera officiellement plus le 45e président américain, passant le flambeau à son adversaire démocrate. Une transition qui a été secouée ces derniers mois par les accusations de fraude et qui s’est soldée par une invasion sans précédent du Capitole, le Congrès américain, par des partisans radicaux du président sortant.
"C'est une situation inédite qui témoigne avec éclat de la fragilité de la plus puissante des démocraties", souligne le politologue Dominique Reynié, invité de LCI. "Quelque chose de très grave s'est passé dans laquelle Donald Trump a une grande responsabilité, morale, historique. On peut d’ailleurs espérer qu’il rendra des comptes à ce sujet." Si l’on a beaucoup imputé les récents événements aux frasques du milliardaire, cette crise qui ébranle la démocratie américaine ne peut s'expliquer uniquement "par la personnalité de Donald Trump", selon le directeur de la Fondation pour l’innovation politique : "Il y a des mouvements historiques qui sont eux-mêmes à l'origine de l'arrivée de Trump au pouvoir et qui demeurent. Nous sommes dans une époque de grands bouleversements".
D’après Dominique Reynié, la victoire de Joe Biden en novembre dernier est due à "un vote protestataire". Alors, à quoi vont ressembler les prochains mois de l’Amérique trumpiste, sans son leader à la Maison Blanche ? "On peut considérer que cette base (de soutien à Trump, ndlr) va à nouveau prospérer sur les difficultés qu’il y a à gouverner dans un monde démocratique", imagine le politologue. Le président sortant fait en ce moment l’objet d’une procédure de destitution (impeachment), visant à de se représenter en 2024. Mais elle doit passer par l'approbation d'une majorité des deux tiers au Sénat pour qu’elle soit actée.
https://www.lci.fr/international/etats-unis-les-mouvements-a-l-origine-de-l-arrivee-de-trump-demeurent-juge-le-politologue-dominique-reynie-2176043.html
# Dominique Reynié #géopolitique #Etats-Unis
Gérald Bronner, le mousquetaire de la raison
Face aux fake news et multiples dérèglements induits pas les réseaux sociaux, ce spécialiste de la sociologie cognitive ne propose rien moins que la création d'une instance pour réguler le marché des idées. Un livre choc par l'un des meilleurs chroniqueurs de notre époque.
Il y a quelques années, j'ai vu Gérald Bronner monter à Paris, comme on le disait encore de nous autres, provinciaux, rejoignant la capitale comme ces métaux attirés par l'attraction d'un aimant à la puissance irrésistible. Tel le jeune d'Artagnan dans le roman de Dumas, il débarquait, avec ses yeux gourmands mais sincères, qu'il n'a du reste jamais perdus, et sa drôle de monture. Si celle du gascon faisait rire aux éclats tant sa couleur jaune « bouton d'or » était « fort connue en botanique, mais jusqu'à présent fort rare chez les chevaux », la sienne portait un nom à coucher dehors : la sociologie cognitive.
Sociologie cognitive. J'accordais à l'époque un regard sévère sur la sociologie en général. Puis j'ai découvert qu'il existait une déclinaison très rigoureuse de cette discipline à côté de la « sociologie bla-bla », dont parlait Raymond Boudon, ce pape (car il était bien plus qu'un cardinal) de la sociologie enracinée dans la science et la défense de la raison, avec qui j'avais la chance, pourtant tout jeune, de discuter régulièrement.
La sociologie cognitive, c'est ce pan de la sociologie qui s'est marié avec ce que la science ne cesse de découvrir du fonctionnement du cerveau humain. Gérald Bronner avance en compagnie d'autres mousquetaires. Ils s'appellent Laurent Cordonnier, Florian Cafiero, Robert Leroux, Elena Pasquinelli, Nicolas Gauvrit et Sylvain Delouvée.
La comparaison n'est pas surfaite. Il suffit d'entendre Gérald Bronner, de le lire, d'échanger avec lui pour mesurer combien sa lame est aiguisée. Il faut observer avec qui il ose croiser le fer pour mesurer le courage de son engagement universitaire. Ses opposants académiques, qui lisent tout phénomène du côté de l'ensemble, de la globalité, de l'excuse et de la justification sociétale, en faisant fi de l'individu, de la rationalité et de la responsabilité, sont coriaces et organisés.
Son nouvel essai, « Apocalypse cognitive », vaut évidemment d'être lu. D'abord parce que celui qui s'est fait un nom en usant de sa maîtrise des nombreux biais qui illusionnent nos cerveaux au point de nous induire en erreur, faisant de lui un traqueur d'illusions mentales aussi variées que l'extrémisme, le radicalisme islamiste, le « précautionnisme » ou la peur irrationnelle des vaccins ou de la 5G, est l'un des meilleurs chroniqueurs de nos temps troublés. Ensuite parce qu'il soulève des questions complexes et difficiles à trancher.
Dans cet opus, Bronner devient un mousquetaire sombre. Son siège de La Rochelle à lui, c'est la dérégulation du marché cognitif, cet espace où l'on échange des idées. Le constat est sévère : avec la montée en puissance des réseaux sociaux, l'information est partout mais elle n'est plus hiérarchisée, et nous nous égarons. Nous vivons le plein triomphe du relativisme. Tout se vaut : la parole d'un professeur d'université et celle d'un youtubeur, celle d'un président élu et celle d'un « gilet jaune ». Dans un enchaînement presque dystopique, il nous donne à voir un monde aux allures de « Black Mirror ».
« Prévenir la radicalisation, c'est possible », par Gérald Bronner
Car, nous dit Bronner, les produits cognitifs qui connaissant le plus de succès ne sont pas nécessairement - tant s'en faut - les plus rationnels. C'est lié à la nature même de nos cerveaux, qui mémorisent davantage des informations contre-intuitives, qui sélectionnent les informations pour confirmer nos vues, qui installent des oeillères mentales pour nous permettre de camper sur nos positions. C'est ainsi que, happés par nos écrans, délestés du filtre de médias raisonnables, notre attention se trouve pieds et poings liés, comme envoûtée par des idées objectivement fausses. Notre civilisation en serait menacée.çdxComment enrayer ce qui semble impossible à maîtriser ? Le coeur de notre gascon contemporain, né en réalité à Nancy, ne cède en rien au défaitisme. Il tranche en revanche avec son maître Boudon. Pour lui, le problème est devenu à ce point considérable - la prise du Capitole par des clowns fascisants va dans son sens - qu'il faut imaginer réguler le marché des idées : une instance internationale qui ne devrait pas chercher à ordonner ce qui relève du beau ou du bien mais seulement ce qui relève du vrai en s'appuyant sur le consensus scientifique. On sent bien que la tâche est complexe. Si je préfère à cette espèce d'ONU de la vérité l'apprentissage de l'esprit critique, la bataille des idées et l'apparition algorithmique de contre-propositions aux fake news (trois outils chers à Bronner), il me dit que j'ai tort de jouer le temps long, que le risque est trop grand, qu'il faut agir vite. Thomas Jefferson affirmait que « seule l'erreur a besoin du soutien du gouvernement. La vérité peut se débrouiller toute seule ». Etait-il lui-même dans l'erreur ?
Gérald Bronner. Apocalypse cognitive. Editions PUF.396 pages. 19 euros
Mathieu Laine est chroniqueur aux « Echos ».
#Gérald Bronner #sociologie
Julia de Funès: «Sale temps pour la liberté»
HUMEUR - La philosophe et essayiste juge que nous vivons une époque d’un conformisme étouffant.
Le projet thérapeutique et hygiéniste triomphe. De la santé physique à la santé morale, tout ce qui ne correspond pas au Bien se trouve masqué et confiné. Des bombardements de moraline se multiplient. Les grands auteurs sont à guillotiner, Céline, Heidegger, Sade. Carmen jugé féminicide et Le Lac des cygnes ne défendant pas assez la mixité, les opéras et ballets sont à reconstruire. Les philosophes actuels, peu enclins à servir la soupe bien-pensante sont à liquider: hier M. Onfray de France Culture, aujourd’hui A. Finkielkraut de LCI. On préfère aux esprits virulents et divergents de la culture la bien-pensance débitant des packs de niaiseries démagogiques en série, dans une phraséologie truffée de clichés plus stéréotypés les uns que les autres et de bienveillance empathique de surface. Il ne doit plus y avoir de «malaise dans la civilisation», la horde de desservants moralisateurs et sentimentalistes n’en finit pas de vanter avec une sympathie solaire mêlée d’une sottise satisfaite, l’empire du politiquement correct, noyant tous les poissons de la contestation dans une harmonie radieuse.
Sous des atours progressistes et vertueux, l’esprit démagogique du temps aux couleurs cocon camoufle pourtant une sauvagerie primitive, celle du vieux jeu sacrificiel que l’on entend gronder des profondeurs humaines les plus archaïques. Tout ce qui est réprimable doit l’être, non pas parce que les propos d’un philosophe, d’une œuvre, d’un opéra, représentent une menace véritable, mais parce que réprimer moralement est une jouissance collective, un plaisir tribun des plus délectables. On le savoure avec d’autant plus de ferveur, d’allégresse et de bonne conscience que le prétexte est indiscutable et la cause acquise! Aucune culpabilité ne vient entacher ce plaisir, bien au contraire. Soudainement rehaussés en militants, en justiciers de vertu, en procureurs moraux, les bien-pensants incarneraient la conscience du monde. Aussi, la conciergerie du politiquement correct ne connaît plus aucune limite, sans cesse aux aguets d’une destruction moralisatrice de l’autre pour une augmentation vertueuse du moi.
Trop souvent cette destruction muselle les nuances, les ajustements, les précisions, les remises en question, qui pourraient estomper la blancheur immaculée du Bien, que la démagogie préfère sans rature. La nuance d’un propos apparaît vite déloyale, l’ajustement d’un raisonnement, un manquement. La bien-pensance se montre monolithique, aucune place n’est laissée pour le juste dans le Mal ou l’injuste dans le Bien. Tout équilibrage de pensée, toute pondération argumentative est à étouffer. L’offense d’un propos ou d’un dessin éventuellement ressentie est aussitôt assimilée à un préjudice entraînant immédiatement la condamnation et la mise à mort médiatique. La valeur d’un raisonnement n’est plus liée à sa complexité ni à la subtilité d’un auteur, mais à sa conformité au credo moral du moment et à son accréditation collective.
Bouffon et sinistre, le politiquement correct est un terrorisme de la pensée nous menant droit au consensus mortifère et au cimetière de l’intelligence.
# juliadefunes #liberté