mardi 14 avril 2020

De nouveau le déclin de l’Empire américain ?


Avouez que c’est paradoxal : un virus apparaît en Chine :  on y fait face avec l’habituel cocktail des régimes autoritaires fait de mensonge, de dissimulation et d’arbitraire. Il se répand dans le monde : les démocraties font, à leur tour, preuve de leur défauts tout aussi habituels, l’impréparation, la discorde et le retard.  Et la voix publique donne la Chine gagnante… 
Les Européens sont d’autant plus disposés à pardonner à la Chine que celle-ci leur offre un plaisir auquel ils ont toujours aimé succomber, l’annonce du déclin de l’empire américain. Rappelez-vous pour ceux qui le peuvent, dans les années 50, c’était l’URSS qui, spoutnik oblige, allait l’emporter ; en 70, c’était, on l’oublie volontiers, le Japon qui inexorablement faisait la conquête du monde ; dans les années 90, l’Europe a eu – timidement et brièvement, je l’avoue – le vent en poupe et bien voilà, c’est le tour de la Chine. Avec toujours les mêmes clichés...
Du côté des Etats-Unis, vous pouvez être sûr que le social-démocrate qu’est tout Européen comparé aux Américains vous énoncera la litanie bien connue des inégalités, des tensions raciales, de la violence, de l’absence de système public de santé, de la financiarisation de l’économie et j’en oublie. Il faudrait que les Européens arrêtent de considérer que les Etats-Unis sont une extension de l’Europe et donc de les juger sur des critères européens. Les Etats-Unis ne sont pas une social-démocratie scandinave et ne veulent pas le devenir. Tout ce que nous relevons comme des tares sont les éléments d’une structure idéologique, sociale et politique cohérente et différente de nos sociétés européennes. Elles ne sont pas nouvelles et n’ont pas empêché les Etats-Unis de devenir la première puissance au monde ; elles ne les empêcheront pas de le rester.
Ce qui compte, c’est la primauté du dollar que la crise de 2008 a renforcée et que ni les velléités chinoises ni les rêves européens n’ont ébranlée ; un dollar sans lequel un Etat ne peut commercer et une grande entreprise survivre. C’est un système financier puissant et agile qui soutient l’innovation et l’esprit d’entreprise comme le savent tous nos innovateurs qui sont obligés d’y trouver le financement dont ils ont besoin et que ne leur fournissent pas ou pas assez nos banques. C’est un goût du risque qui accepte l’échec comme un enseignement et non comme une condamnation. Ce sont des universités auxquelles les Etats-Unis consacrent deux fois plus de moyens que la moyenne des pays de l’OCDE et donc de la France. C’est la Silicon Valley et ses géants tous américains. C’est une industrie du divertissement qui aujourd’hui doit faire rêver une bonne partie de l’humanité confinée. C’est aussi une langue. C’est enfin une puissance militaire sans égale qui pourtant n’accapare que 3,2% du PIB.  Comme d’habitude, les Etats-Unis risquent d’être frappés par la récession qui vient plus brutalement que les autres avant de rebondir plus rapidement aussi. Mais, les fondamentaux de la puissance américaine ne sont pas atteints.
En revanche, il est exact que nous sommes sortis de cette période atypique où les Etats-Unis, depuis l’effondrement du bloc soviétique, étaient la seule grande puissance. Nous connaissons un rééquilibrage des puissances au profit de la Chine, un retour de la Russie et peut-être une affirmation de l’Inde, le Brésil prouvant, une fois de plus, l’adage du général de Gaulle : ‘’une puissance d’avenir et qui le restera’’.  Mais de là à annoncer le triomphe de la Chine, c’est aller bien loin ; trop loin.
Non la Chine n’est pas ce monstre froid et rationnel qui va imperturbablement de l’avant vers la domination du monde.  Un peu comme on décrivait le Japon dans les années 70, image de l’asiatique oblige…  Les faiblesses de la Chine sont aveuglantes, que ce soit la démographie qui va imposer, en vingt ans, à ce pays une transition que nous avons mis un siècle à gérer, le tout sans système de retraite ; l’endettement colossal des entreprises d’Etat toujours non rentables ; la corruption généralisée ; la misère abjecte d’encore de centaines de millions de Chinois ; la pollution ; les tensions sociales qui se traduisent par une multitude d’incidents dans l’ensemble du pays ; sans oublier une position stratégique désavantageuse, entourée qu’elle est de puissants concurrents du Japon à l’Inde en passant par le Vietnam.  Et si l’économie mondiale trébuche, son cœur industriel qu’est aujourd’hui la Chine souffrira tout autant que les autres.
Un nouveau monde est en train d’accoucher. Il sera moins favorable à l’Occident que n’était l’ancien. Mais, les Etats-Unis y tiendront toujours le premier rang, sans doute pour encore assez longtemps.

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