mardi 16 juin 2020

Daniel Cohen : "On dirait que cette crise a été faite pour les GAFAM"

Daniel Cohen : "On dirait que cette crise a été faite pour les GAFAM"

Par Gérard Leclerc I Publié le 1 Juin 2020

L’économiste craint une démondialisation fatale aux pays émergents mais propice à Amazon. Une interview à retrouver dans le numéro d’été de We Demain. 


Daniel Cohen. (Crédit : Géraldine Aresteanu)
Daniel Cohen. (Crédit : Géraldine Aresteanu)

Pour Daniel Cohen, professeur à l’école d’économie de Paris et directeur du département d’économie à l’École normale supérieure, cette crise va accélérer la naissance d’un nouveau type de capitalisme mêlant démondialisation et triomphe du numérique. Une société du sans-contact qui nécessite une nouvelle protection sociale. 
  

  • We Demain : Quels seront les gagnants et les perdants de cette crise, en termes de pays et secteurs d’activités ?


Daniel Cohen : Les pays émergents vont beaucoup souffrir. La mondialisation a offert aux pays asiatiques la possibilité de monter en gamme, sur le modèle japonais. Le Japon est le seul exemple, à l’échelle du XXe siècle, d’un pays qui était pauvre et qui a réussi à rejoindre le club des plus riches. Tous les autres modèles ont plus ou moins échoué, que ce soit ceux, latino-­américains, d’un développement autocentré, ou ceux d’une économie planifiée dans le sillage de l’Union soviétique. 

Les pays asiatiques qui ont copié le modèle japonais devraient s’en sortir avec le marché intérieur chinois, comme la Chine a pu profiter des États-Unis. 

En revanche, l’Afrique va subir de plein fouet les conséquences négatives de cette démondialisation. D’abord avec les cours des matières premières, qui sont en train de s’effondrer. Ensuite, parce que la tentation de chercher des fournisseurs dans les pays à bas coût va diminuer, ce qui menace l’industrialisation de l’Afrique. Enfin et peut-être surtout, les revenus des travailleurs migrants, qui sont une ressource essentielle à beaucoup de pays africains, sont en chute libre parce que les travailleurs immigrés en France et ailleurs forment ce sous-prolétariat que l’on trouve dans les cuisines des restaurants ou les arrière-boutiques, aujourd’hui menacées par la crise. 

Les gagnants, on les connaît : ce sont les GAFAM (Google, Apple, Facebook Amazon, Microsoft) et les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi), en réalité moins ceux qui dépendent de la publicité – qui s’est effondrée –, comme Google, que ceux qui ont réinventé le commerce en ligne, comme Amazon. On a le sentiment que cette crise a été faite pour eux : la distanciation sociale condamne toutes les activités où le client et le prestataire sont en vis-à-vis, du commerce traditionnel à la santé ou à l’éducation. 
  

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