Police, vaccin, responsables politiques... il faudrait, face à la défiance, rétablir la confiance. Mais la confiance, avec ses déceptions et son peu de garanties, est-elle vraiment fiable ?
Il y a des notions comme ça, qui, tout à coup, ont le vent en poupe, qui viennent ou qui reviennent dans le débat : ces derniers temps, c’est donc celle de la confiance. Rétablir la confiance dans la police, retrouver la confiance dans les institutions ou dans les responsables politiques, créer de la confiance dans un vaccin, restaurer la confiance dans les médias… tout est bon pour ranimer cette confiance qui a laissé place à la défiance.
Pas à la méfiance, mais à la défiance. En effet, aujourd’hui, on n’est pas simplement méfiant, on n’est pas simplement là à soupçonner une personne, des idées ou des actes, à peser le pour et le contre pour accorder (ou pas) notre confiance, on est carrément défiant, on provoque, on met au défi une personne, des idées ou des actes.
Et il n’est plus tant question de confiance que du contraire : d’oppositions, de rejets ou d’impopularité. Et à raison, car je me demande : la confiance est-elle si fiable que ça ?
La confiance, pas si fiable...
A quel moment suis-je assurée d’accorder à raison ma confiance ? Peut-on décider, une fois pour toutes, qu’elle a été bien donnée et qu’elle ne sera pas entamée ?
On aura beau tenter de vérifier, de se prémunir, d’avoir des gages, qu’est-ce qui nous prouve que la confiance sera toujours intacte ? On peut reprocher à la confiance d’être aveugle, mais de fait, une confiance peut-elle être lucide ?
Quand j’étais petite, ma mère me disait de ne pas faire confiance aux inconnus, mais ceux que je connaissais, les connus, étaient-ils pour autant dignes de confiance ? Des années plus tard, je ne crois pas. Alors, qu’est-ce qui me garantit que j’ai bien fait de la leur donner ?
C’est le paradoxe de la confiance : on ne peut pas lui faire confiance. Elle contient en elle-même une part de risques, d'aveuglement, d'erreurs et de déceptions. Elle n’est pas fiable. Et pas plus fiable que la défiance…
Car, pensez-y, celui qui passe son temps à tout défier, pourra toujours se draper dans l’inaction, et dans la dignité de celui qui critique, qui interroge, qui met en doute, il pourra toujours se cacher dans l’excuse de celui qui avait réfléchi, calculé, qui avait soit-disant tout vu et ne s'est jamais trompé, mais le confiant, lui, il n’a pas plus certitudes, mais il se lance et il n’a aucun filet, jamais.
Incertitudes, aveuglement et déceptions
Si celui qui est confiant, risque plus que celui qui est défiant, s’il n’a pas plus de certitudes ni moins de doutes, à quoi bon promouvoir la confiance, à quoi bon vouloir la retrouver ou la restaurer ?
Le philosophe et sociologue allemand, Georg Simmel, l’explique très bien dans son livre, Sociologie. Etude sur les formes de la socialisation :
« Celui qui sait tout n’a pas besoin de faire confiance, celui qui ne sait rien ne peut raisonnablement même pas faire confiance”.
Vouloir restaurer la confiance, c’est-à-dire cet état intermédiaire (entre tout savoir et ne rien savoir) a donc quelque chose d’impossible, car comment restaurer cet entre-deux, ce quelque chose de bancal, et surtout : qui pourrait être assez fou pour promouvoir, ou se lancer, dans cette confiance qui, loin d’être flatteuse, stable, confortable, est incertaine, risquée, parfois aveugle et souvent déçue ?
Voilà, une chose à laquelle on peut se fier : il est plus facile d’être sûr de ses défiances que de se lancer dans l’incertitude de la confiance.
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