lundi 7 septembre 2020

André Comte-Sponville: «Aimer la vie plutôt qu’avoir peur de la mort»


Auteur d’une vingtaine d’ouvrages, André Comte-Sponville était présent à Morges au Livre sur les quais pour une conférence. Lors d’une interview, le philosophe français a parlé de son nouveau livre sur Montaigne.

En ces temps de pandémie, le philosophe français André Comte-Sponville constate que la peur de la mort est en train de l’emporter sur l’amour de la vie. Citant Montaigne, il prône une «sagesse nonchalante». Mettant en perspective des chiffres, il estime surtout qu’il n’y a pas de quoi s’affoler. Le réchauffement climatique est beaucoup plus inquiétant, selon lui.

À l’occasion de la sortie de son «Dictionnaire amoureux de Montaigne» (Plon), André Comte-Sponville rappelle l’un des messages du grand humaniste du XVIe siècle, figurant à la toute fin des «Essais»: «Pour moi donc, j’aime la vie.» «C’est la seule sagesse qui compte vraiment. Aimer la vie plutôt qu’avoir peur de la mort», dit-il dans un entretien accordé dimanche à Keystone-ATS lors de sa présence au festival Le livre sur les quais à Morges (VD).

Et c’est en l’occurrence le contraire qui frappe le philosophe de 68 ans dans la «triste période» actuelle, ce «sentiment que la peur de la mort est en train de l’emporter sur l’amour de la vie». Il ne cesse de surligner que le taux de mortalité pour le Covid-19 se situe seulement entre 0,3 et 0,5%. «Il n’y a pas de quoi s’affoler», selon lui.

Changer notre rapport avec la mort

«Il faut accepter d’être mortel. Montaigne écrit: «Tu ne meurs pas de ce que tu es malade, tu meurs de ce que tu es vivant.» Autrement dit, la mort fait partie de la vie. Aimer la vie, c’est accepter l’idée de mourir», explique l’auteur d’une trentaine d’ouvrages, dont le «Petit traité des grandes vertus», le «Traité du désespoir et de la béatitude», «Impromptus» et «Le Bonheur, désespérément».

«S’il ne faut pas forclore ni dénier la mort, il faut y penser avec nonchalance. Il faut profiter davantage de chaque instant, vivre plus intensément et agir», suggère-t-il. Or, en cette époque incertaine et anxiogène, «c’est le contraire d’une sagesse nonchalante», observe-t-il.

«Il ne faut pas se laisser dévorer par l’angoisse. Nous ne sommes pas plus mortels aujourd’hui qu’il y a six mois. Il y a environ 30’000 morts du Covid-19 en France (…) sur 600’000 morts en France en moyenne chaque année. Cela fait donc 5% de décès en plus. Et certains ont parlé de la fin du monde. C’est proprement absurde.»

Il rappelle aussi qu’il y a 150’000 décès liés au cancer et 225’000 cas de maladie d’Alzheimer en moyenne chaque année en France. Le taux de guérison pour Alzheimer, c’est zéro, pour le coronavirus, c’est 99,5%, met-il en perspective.

Le danger du pan-médicalisme

André Comte-Sponville se montre dans l’ensemble plus critique sur le corps médical que sur les politiques. Il n’a pas envie de «taper» sur Emmanuel Macron ou Angela Merkel. «Qu’aurais-je fait à leur place? Honnêtement, la même chose. (…) La pression médicale était si forte, les médias en rajoutaient, les gens avaient peur», confie-t-il, revenant sur la question du confinement.

Pour lui, le vrai danger, c’est le pan-médicalisme, qui fait de la santé la valeur suprême et attribue tout le pouvoir à la médecine, à savoir «déléguer au corps médical la gestion de nos maladies, ce qui est normal, mais aussi la gestion de toute notre vie, de toute notre société et du destin d’une nation. C’est parfaitement mortifère.»

«Je ne compte pas sur les médecins pour gérer l’État, je compte sur la démocratie, c’est-à-dire sur nous tous, le peuple souverain et ses représentants élus. Et pour diriger ma vie, je ne compte pas sur mon médecin mais sur moi-même», poursuit-il.

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