Dakar: Mike Horn, pionnier de la révolution verte
INFOGRAPHIE - Avec Cyril Despres, quintuple vainqueur du rallye-raid, l’aventurier veut s’imposer en 2023 au volant d’un bolide à hydrogène.
La 43e édition du Dakar s’est élancée samedi de Djeddah pour une aventure de deux semaines, jusqu’au 15 janvier, dans le désert saoudien. L’épreuve reine du rallye-raid n’a, une nouvelle fois, pas échappé aux critiques de ses détracteurs dénonçant inlassablement l’impact carbone engendré par les 296 véhicules au départ (contre 342 l’an passé) et s’apprêtant à avaler 7 645 km de piste dans un pays, en plus, pointé du doigt pour ses infractions répétées aux droits de l’homme.
Sur le volet environnemental, au moins, les organisateurs vont pouvoir frapper vite et fort pour faire taire les voix qui grondent. Pour rompre avec l’encombrante image de pollueur qui lui colle à la peau et qui a fait fuir une partie des sponsors, l’épreuve a lancé une vraie révolution verte. Après avoir vu naître quelques projets de véhicules roulant aux énergies alternatives à faible émission, habiles mais éphémères coups de communication, Amaury Sport Organisation, propriétaire de l’épreuve, a ouvert la très ambitieuse page de l’hydrogène.
Ne nous y trompons pas, avec son barnum itinérant de 2 000 personnes, le Dakar ne pourra jamais être considéré comme une épreuve écologique. Mais, avec une flotte de véhicules à hydrogène rejetant uniquement de l’eau (et dans la mesure où le dihydrogène serait lui-même produit de manière propre, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui), le Dakar réduira considérablement son impact carbone à moyen terme. Cette conversion a déjà séduit Audi, qui a annoncé son retour sur l’épreuve, dès 2022, mais avec une technologie hybride en se servant du rallye-raid comme banc d’essai.
Deux projets «verts » ont aussi été lancés: celui de Guerlain Chicherit, baptisé «GCK e-Blast 1», basé sur un buggy Peugeot, et un autre, mené par la paire Cyril Despres-Mike Horn, «Gen Z». Leur but? Placer sur la ligne de départ de l’édition 2023 deux bolides à hydrogène.
Quelques jours seulement après avoir risqué sa vie dans une périlleuse traversée en Arctique en novembre 2019, l’aventurier Mike Horn avait accepté de participer au pied levé à l’édition 2020 en compagnie de Despres, quintuple vainqueur de l’épreuve à moto (entre 2007 et 2013). Un engagement en tant que copilote dans un buggy léger, peu polluant et bondissant à 120 km/h, qui avait placé l’explorateur sous le feu des critiques. «Ça changeait des grosses voitures qui roulent à fond, quand même, mais ce Dakar ne collait pas à mon image. Je m’en suis pris plein la figure, même si les gens ne savaient pas toutes les actions que je fais pour la planète. Mais j’ai écouté ce qu’on m’a dit», confie Horn.
Contraints à l’abandon après sept étapes, les deux hommes avaient planché sur un autre défi, avec plus de sens. «Je ne voulais plus courir avec un team officiel et foncer à 200 km/h dans le désert. Je cherchais quelque chose de différent», confirme Despres, troisième en 2017 avec Peugeot, sur quatre roues, cette fois. «Avec les enjeux environnementaux actuels, le Dakar ne pourra pas continuer comme cela longtemps. Sinon, il est fini, mort!», tranche le natif de Johannesburg. L’idée d’un buggy à hydrogène s’est assez rapidement imposée, dès février, après discussion avec des ingénieurs. L’association avec le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) conclue en novembre a permis de donner un bon coup d’accélérateur au programme. «Nous sommes des compétiteurs et on ne voulait pas perdre sept à huit ans pour y arriver. Avec le soutien des meilleurs ingénieurs du CEA, cette voiture sera une réalité dans trois ans», assure Despres.
Pari assumé
Pour le moment, les deux hommes doivent se débrouiller sans le soutien d’un constructeur. Un pari assumé par l’aventurier au discours sans filtre. «Ça aurait été de toute façon compliqué avec des marques. Ce sont des structures tellement lourdes avec toute la merde qui tourne autour, le lobbying, le commerce… On est deux blaireaux soutenus par des boîtes d’ingénieurs très sérieuses», plaisante l’ancien animateur des émissions «The Island» et «À l’état sauvage» sur M6.
Mike Horn le sait: à terme, le soutien d’une marque sera indispensable pour accompagner l’ambitieux projet. Le duo doit d’abord faire ses preuves cette année avant de rêver plus grand, au volant d’une Peugeot 3008 DKR, une voiture à moteur thermique préparée par le Team Abu Dhabi Racing. Le CEA a placé à l’intérieur un boîtier de 5 kg qui recueillera des données scientifiques ensuite transmises au bureau d’ingénierie. L’objectif sera donc d’être à l’arrivée à Djeddah dans une quinzaine de jours avec un maximum de données pour préparer l’avenir. «Je vais quand même devoir freiner les ardeurs de Mike, qui veut toujours aller plus vite», prévient Despres, aussitôt repris par son compère et ami de longue date: «J’aurais pu rester dans ma zone de confort, mais ce n’est pas ma vision des choses. La participation me fait chier. Je ne veux pas juste exister, je veux vivre. Et pour vivre, il faut gagner et être dans la compétition.»
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