Italie : de rares illustrations de la Divine Comédie de Dante présentées pour la première fois en ligne
À l’occasion du 700e anniversaire de la mort de Dante, la Galerie des Offices rend hommage à son œuvre la plus célèbre, la Divine Comédie, avec une exposition virtuelle qui présente pour la première fois en haute résolution un ensemble exceptionnel de dessins du XVIe siècle.
Depuis le mois de mars, les musées du monde entier ouvrent (virtuellement) leurs portes afin de nous permettre de profiter de leurs collections temporaires et permanentes depuis notre canapé. La Galerie des Offices, fermée depuis le 5novembre, n’échappe pas à la tendance et prend la vague du numérique pour célébrer le 700e anniversaire de la mort de Dante Alighieri, célèbre poète et père de la langue italienne, mort de la malaria le 14 septembre 1321 à l’âge de 56 ans. L’institution propose sur son site web, depuis le 1er janvier, une exposition virtuelle consacrée à la Divine Comédie qui permet aux internautes de découvrir l’ensemble des illustrations de ce texte fondateur réalisées par le peintre maniériste Federico Zuccari (1542-1609), numérisés pour la première fois en haute résolution.
Un trésor bien gardé
Les dessins de Zuccari, 88 au total, ont été exécutés entre 1586 et 1588. Ils illustrent l’ensemble des chants qui composent les trois parties de Divine comédie de Dante, composée au début du XIVe siècle : L’Enfer, Le Purgatoire et Le Paradis. À cette époque, Zuccari travaille à la décoration du nouveau palais de l’Escorial à Madrid où il a été appelé par le roi Philippe II d’Espagne. Quelques années plus tôt, il a connu ses premiers succès en réalisation les fresques du dôme de Santa Maria del Fiore à Florence.
Federico Zuccari, La forêt sombre. Illustration pour L’Enfer de Dante, chant I, GDSU inv. 3474F ©Roberto Palermo/Galerie des Offices |
Ces dessins ont été réunis au XVIIe siècle dans un volume, connu sous le nom de Dante historiato da Federico Zuccari, qui mettait en regard les images conçues par l’artiste et le texte de Dante qu’elles illustraient. L’ensemble est conservé au musée des Offices depuis le XVIIIe siècle grâce à la donation, en 1738, d’Anne-Marie-Louise de Médicis, épouse de l’électeur palatin Johann Wilhelm von der Pfalz-Neuburg et dernière des Médicis.
L’Enfer en HD
Comme le rappelle Eike Schmidt, directeur de la Galerie des Offices, les dessins de Zuccari n’ont été à ce jour présentés au public qu’à deux reprises : une première fois en 1865 lors de la grande exposition Dante présentée au Palais Medici-Riccardi, puis à la Casa di Dante, au Castello Gizzi, dans les Abruzzes, en 1993. D’une extrême fragilité, ils ne peuvent être exposés que tous les cinq ans, dans des conditions de conservation très strictes. Connues seulement des amateurs et érudits, ces illustrations sont numérisées pour la première fois en très haute résolution à l’occasion de cette exposition hommage qui, une fois de plus, permet de mesurer toute l’importance des nouvelles technologies pour l’étude des œuvres d’art les plus fragiles et leur diffusion auprès du grand public. On peut ainsi explorer librement, dans le détail, ces images complexes et délicates où s’exprime pleinement le style de Federico Zuccari.
Federico Zuccari, Septième Cercle, deuxième fosse : La forêt des suicides. Illustration pour L’Enfer de Dante, chant XII-XIII, GDSU inv. 3489F ©Roberto Palermo/Galerie des Offices |
Avec son frère Taddeo Zuccari, celui-ci fut l’un des grands maîtres du maniérisme italien, un mouvement pictural qui se développe entre 1520 et 1580 caractérisé notamment par l’allongement des silhouettes, une prédilection pour la ligne serpentine ou encore un usage antinaturaliste de la couleur. Les artistes maniéristes vont construire ce vocabulaire précieux et raffiné en réaction contre l’idéal de perfection de la Haute Renaissance, en revendiquant l’héritage de Raphaël, Michel-Ange et Léonard de Vinci.
Une extraordinaire collection
Moins célèbre que les cycles historiés réalisés par Botticelli au XVe siècle ou William Blake au XVIIIe siècle, le projet de Zuccari constitue sans doute l’ensemble d’illustrations de la Divine Comédie le plus abouti, tant du point de vue de son exhaustivité que de la modulation des techniques graphiques en fonction des sujets (graphite, sanguine, plume et encre brune, etc.) ou des liens étroits qu’il tisse entre texte et images. Chaque feuillet, mis en regard du passage qu’il illustre, porte également un commentaire de l’artiste lui-même qui clarifie certains détails ou passages narratifs. Pour Eike Schmidt, cette « extraordinaire collection d’art graphique » constitue « un matériau précieux non seulement pour ceux qui font de la recherche, mais aussi pour ceux qui sont passionnés par le travail de Dante et souhaitent y entrer pour suivre, comme le dit Alighieri, la vertu et la connaissance ».
Federico Zuccari, Septième ciel de Saturne : l’échelle. Illustration pour L’Enfer de Dante, chant XII-XIII, GDSU inv. 3489F ©Roberto Palermo/Galerie des Offices |
Baptisée « Pour revoir les étoiles », l’exposition virtuelle des Offices emprunte son titre au chant XXXIV de la Divine Comédie qui explique comment Dante et son guide, Virgile, parviennent à s’arracher aux profondeurs infernales et à contempler de nouveau le ciel. « E quindi uscimmo a riveder le stelle » correspond en effet au dernier vers de l’Enfer. Et c’est ce chemin tracé par Dante, qui mène du vice à la vertu et à la connaissance, que Zuccari parvient brillamment à illustrer et que la Galerie des Offices nous invite dès à présent à emprunter, d’un simple clic. Si la situation sanitaire le permet, différents événements commémorant l’anniversaire de la mort de Dante devraient avoir lieu tout au long de l’année 2021 à Florence, Ravenne et dans de nombreux autres lieux liés au poète.
Source : Connaissance des arts
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