lundi 30 novembre 2020

George Orwell: Covid1984


L’auteur de 1984 et de La Ferme des animaux fait son entrée dans la Pléiade, dans une période où son œuvre se révèle particulièrement éclairante…

Soixante-dix ans après sa mort, George Orwell intègre la prestigieuse collection des Éditions Gallimard. Le timing est bien choisi. Car, si l’écrivain britannique a été qualifié de visionnaire, son œuvre n’a jamais paru si actuelle tant l’année 2020 a de faux airs de 1984. Déjà, après l’annonce du premier confinement, en mars dernier, les recherches liées à la célèbre dystopie avaient explosé sur Google tandis que sur Twitter apparaissait le hashtag #Covid1984. Aujourd’hui, l’adjectif «orwellien» continue à être convoqué pour dénoncer les privations de liberté.


George Orwell . ©Rue des Archives /SPPS


Publié en 1949, écrit pendant la guerre, 1984 se lit comme un roman d’anticipation, mais aussi comme une critique des régimes soviétique et nazi. Le lecteur est plongé dans un monde totalitaire gouverné par un «Big Brother» qui s’insinue dans les consciences. Le crime de la pensée est passible de mort, et la réalité est dictée par la novlangue d’un parti unique et par son ministère de la Vérité. But: créer un homme nouveau docile et malléable.

Nous n’en sommes pas là. Aussi discutables qu’elles soient, les mesures sanitaires se présentent comme temporaires et ont avant tout pour objectif de protéger du virus. Mais leur accumulation et leur application autoritaire font réfléchir. Et certains thèmes abordés par Orwell renvoient à notre présent. De la République des attestations et du traçage à la société de surveillance de masse, il n’y a qu’un pas, que la Chine a déjà franchi avec ses caméras à reconnaissance faciale. Quant aux Gafa, dont la toute-puissance devrait s’affirmer à l’issue de cette pandémie, ne sont-ils pas les «Big Brother» sans visage du XXIe siècle?

Au-delà de la situation créée par la crise sanitaire, les parallèles avec notre époque interpellent et nous sur un possible retour du totalitarisme sous une nouvelle forme. L’omniprésence des «télécrans» semble préfigurer nos tablettes et smartphones. «Les minutes de la haine», qui consistent à vilipender quotidiennement un bouc émissaire, peuvent être rapprochées du fonctionnement des réseaux sociaux. L’effacement et la réécriture de l’Histoire, pour coller aux intérêts et à l’idéologie du Parti, annoncent le déboulonnage des statues et, plus largement, lacancel culture à l’œuvre dans les facs américaines. Enfin, l’oligarchie décrite dans 1984 ressemble à s’y méprendre aux «élites» dirigeantes contemporaines: «Une nouvelle aristocratie constituée de bureaucrates, de savants, d’organisateurs de syndicats, d’experts en publicité, de sociologues, de journalistes et politiciens professionnels»...


Mais si 1984 occupe une place à part dans l’œuvre d’Orwell, l’un des mérites de ce volume, dirigé par Philippe Jaworski, est de faire découvrir au néophyte des textes plus méconnus: En Birmanie, son premier roman, s’inspirant de son expérience d’officier des forces de l’ordre dans ce pays, et où il fustige le colonialisme britannique ; Le Quai de Wigan, formidable reportage où il partage le quotidien des mineurs du nord de l’Angleterre ; Hommage à la Catalogne, récit de son engagement dans la guerre civile espagnole au cours de laquelle il se bat contre les franquistes, avant de prendre ses distances avec la gauche marxiste. Ce qui frappe, malgré l’apparente diversité des sujets, c’est la cohérence de son œuvre et de son parcours. Anticolonialiste dans les années 1920, puis antifasciste et anticommuniste dans les années 1930 et 1940, Orwell n’a eu de cesse de combattre les orthodoxies et les dogmatismes et de se placer du côté des opprimés. 1984, son dernier livre, est l’aboutissement d’une longue réflexion sur le totalitarisme. Méfiant à l’égard des intellectuels et de leurs théories, Orwell s’est tenu au plus près des hommes ordinaires dont il voyait dans les valeurs simples, ce qu’il appelait «la décence commune»: le meilleur antidote aux folies idéologiques.

Œuvres, de George Orwell, Bibliothèque de la Pléiade, sous la direction Philippe Jaworski, 1 600 p., 66 €.

Par Alexandre Devecchio

Le Figaro

vendredi 27 novembre 2020

Brice Couturier : Fini le culte du winner, célébrons l'échec

 Les échecs sont-ils des jalons nécessaires sur le chemin d’un succès final qui nous en rembourserait ? Après avoir célébré la figure du winner, une avalanche d'essais anglo-saxons tendent à envisager l'échec comme une épreuve positive. L’échec, sujet vendeur outre-Atlantique, un signe des temps ?

Les échecs peuvent-ils être considérés comme des "datas qu’on accumule", des informations dont il conviendrait de faire bon usage, dans la perspective de prochaines épreuves ? Crédits :  Adie Bush - Getty

L’échec serait-il devenu un sujet vendeur ? Dans une série de podcasts hebdomadaires, la journaliste et romancière britannique Elizabeth Day interviewait des personnalités, en axant ces entretiens sur leurs échecs. Gros succès. Elle publie à présent une espèce de manuel de l’échec réussi, Failosophy : A Handbook For When Things Go Wrong. Intraduisible, si ce n'est par un approximatif Plantageosophie : Manuel pour quand ça tourne mal. L’an dernier, elle avait déjà publié How to Fail (Comment échouer). Voilà quelqu’un qui fait carrière sur l’échec. Signe des temps ?

Comme le remarque Megan Nolan dans le New Statesman, on a assisté, ces dernières années, à une véritable avalanche de livres consacrés au thème de l’échec. Et c’est troublant. 

Le dessinateur de bandes dessinées américain Scott Adams, créateur de la fameuse série Gilbert consacrée au monde de l’entreprise, a ainsi publié en 2013 un livre intitulé How To Fail At Almost Everything and Still Win Big (Comment échouer dans presque tout et cependant gagner le gros lot). Depuis, un nombre incalculable de bouquins prétendent apprendre aux Américains à "gérer leurs échecs". Le plus souvent dans l’idée de les transformer en succès, mais pas nécessairement. Les Américains seraient-ils en train de prendre conscience de l’échec que leur propre pays est en train de subir ? Par exemple dans sa rivalité avec la Chine pour le leadership mondial ?

On dira que la culture américaine a constamment célébré le "winner". Que le milliardaire Donald Trump est probablement parvenu à se faire élire président du pays, en 2016, malgré ses frasques et son incompétence, précisément parce qu’il incarnait ce rêve américain : devenir riche et puissant, pouvoir "s’en payer". Et que son incapacité à assumer, cette année, son échec électoral, démontre combien le fait de perdre est insupportable aux Américains. 

Pourtant, leur littérature, le cinéma hollywoodien ne manquent pas de très beaux portraits de "losers magnifiques" : Barry Lindon, Taxi Driver, Macadam cow-boy, Vol au-dessus d’un nid de coucou… . Et cela ne date pas des années soixante : les romans de Scott Fitzgerald sont tous consacrés à de tels personnages. 

France Inter - Pascal Picq : Au commencement était aussi la femme !

 On ne parle jamais des femmes dans la Grande histoire. Mais les paléontologues Pascal Picq et Marylène Patou-Mathis, qui publient respectivement "Et l'évolution créa la femme" (Odile Jacob) et "L'homme préhistorique est aussi une femme" (Allary), corrigent l'erreur.


Pétroglyphes d'Aliya la déesse de la fertilité, province de Najran, à Thar, Arabie saoudite. © Getty / Eric Lafforgue / Art in All of Us / Corbis


La domination masculine ne date pas d'hier... Elle prend racine à la préhistoire mais n'en est pas pour autant un fait naturel, mais bien le produit de la culture. 

C'est ce que démontrent dans leurs ouvrages respectifs Pascal Picq et Marylène Patou-Mathis.

Paléo-anthropologue et maître de conférence au Collège de France, Pascal Picq tente dans "Et l'évolution créa la femme"  de comprendre, dans une perspective évolutionniste, le développement de comportements coercitifs et violents chez les hommes envers les femmes. 

En étudiant les rapports entre les sexes dans différentes espèces animales, en particulier chez les singes, il dresse un constat accablant : chez les hominidés, ces rapports sont beaucoup plus agressifs que dans la plupart des autres espèces, les mâles pouvant en venir même à tuer les femelles. Néanmoins, Pascal Picq a toujours existé des cultures humaines où prévalait un équilibre des pouvoirs entre hommes et femmes, mettant à mal les théories naturalisant la domination masculine.  

Cette entreprise de déconstruction des préjugés sur les rapports de genre à la préhistoire suppose également de faire évoluer le regard sur la femme préhistorique. 

Marylène Patou-Mathis, préhistorienne et directrice de recherche au CNRS, dans "L'homme préhistorique est aussi une femme" souligne comment nos représentations de la femme préhistorique comme soumise à l'homme, uniquement en charge des aspects domestiques de la vie quotidienne ont été en réalité calquées sur les préjugés sexistes des fondateurs de la discipline historique consacrée à la préhistoire au XIXe siècle. 

La mise en concordance des époques et la réintégration de l'homme dans l'histoire globale des espèces animales permettent ainsi de réfléchir aux sources d'inspiration que représente la préhistoire pour réinventer les rapports entre les genres au temps présent. 

https://podcasts.apple.com/fr/podcast/lheure-bleue/id1151022824

jeudi 26 novembre 2020

Pierre-Henri Tavoillot et Jean-Michel Fauvergue : Gouverner en démocratie : entre l’ordre et la morale

 Quelle place pour l'ordre et la sécurité en démocratie ?


Des voix s’élèvent pour dénoncer une dérive sécuritaire du gouvernement et les manifestations ne se tarissent en cette période de confinement… mais la loi sur la sécurité globale a été largement votée en première lecture à l’assemblée nationale, et le Président de la République et le gouvernement affichent un record de popularité… Faut-il y voir l’installation d’une fracture entre d’un côté une France désireuse de sécurité et d’un autre une rejetant les limitations des libertés ? Comment la morale peut-elle nous guider en ces temps incertains ? Et si la crise rendait plus gouvernable la démocratie ? 

Comment gouverner un peuple roi ? : Traité nouveau d'art politique

De Pierre-Henri Tavoillot - Ed Odile Jacob


« Sommes-nous entrés dans l’ère du déclin démocratique, voire dans un âge post démocratique ? Admettons au moins l’existence d’une triple déception : la démocratie libérale souffre d’une terrible crise de la représentation, d’une grave impuissance publique et d’un profond déficit de sens. Autrement dit, elle aurait perdu, en cours de route, à la fois le peuple qui la fonde, le gouvernement qui la maintient et l’horizon qui la guide. » P.-H. T.


Pour Pierre-Henri Tavoillot, ce que nous avions pris pour un progrès acquis – la démocratie – se révèle en réalité un vertigineux chantier. Avec ce livre qui renoue avec la tradition oubliée des traités d’art politique, il nous invite à réfléchir à ce qui fait le secret de l’obéissance volontaire. Car, en démocratie, l’art de gouverner est surtout un art d’être gouverné. Comment l’envisager aujourd’hui ? 


Entre le cauchemar de l’impuissance publique et le spectre de l’autoritarisme, comment réconcilier la liberté du peuple et l’efficacité du pouvoir ? -Présentation de l'éditeur-


mercredi 25 novembre 2020

Les petits secrets des dirigeants pour un télétravail efficace et responsable


TÉMOIGNAGES - Des patrons détaillent au Figaro leurs habitudes et les bonnes pratiques pour éviter les journées à rallonge.

Par Quentin Périnel


Durant cette année 2020 de travail à distance à outrance, les entreprises - et leurs salariés - ont expérimenté une nouvelle façon de conduire leurs tâches. Elles ont chamboulé leurs habitudes… pour le meilleur comme pour le pire. Si, dans l’ensemble, il est possible d’être efficace depuis chez soi, le télétravail a aussi fait émerger de réels problèmes au quotidien. Premier enseignement: s’il est tout à fait possible de faire encore plus de réunions devant un écran, sans bouger de sa chaise. La seconde, c’est que paradoxalement, depuis chez soi, il est plus compliqué de mettre une «fin» symbolique à une journée de travail...

Durant cette période de travail à distance à outrance, ces dirigeants d’entreprise ont découvert et modelé une nouvelle façon de travailler avec leurs équipes. Ils ont, progressivement, chamboulé leurs habitudes. Ils expliquent au Figaro des gestes et des astuces simples pour mieux télétravailler, sans passer une journée entière devant son ordinateur entre 8h30 et 22h.

Rétablissement de la pause déjeuner à distance

Carlo Purassanta, président de Microsoft France, l’a remarqué dès le mois de mai, et il a donc instauré un couvre-feu des réunions. «Nous avons formellement interdit les meetings avant 9 heures et après 18 heures, explique-t-il. Nous avons également rétabli la pause déjeuner. Aucun appel ni réunion ne doit ainsi être planifié entre 12 h 30 et 14 heures.»

Deuxième souci de taille: le temps passé en visioconférence sur Zoom, Skype ou Teams. Karine Picard, DG en France d’Oracle, le dit: la visio ne doit pas être systématique. «J’ai pour ma part décidé de laisser le choix, explique-t-elle. Rendre systématique la visio peut être intrusif et, surtout, complètement contre-productif. La visio a sa légitimité pour les petits appels avec deux ou trois personnes. À grande échelle, cela n’a pas ou peu d’intérêt.»

Vincent Huguet, cofondateur de la plateforme pour les indépendants Malt, lui, a trouvé un moyen de mettre de l’ambiance dans ses réunions virtuelles. «Pour rythmer les présentations à distance sur Zoom, détaille-t-il, on associe à chaque slide de transition une musique. C’est l’occasion d’un petit test en aveugle qui se joue sur le tchat, simultanément. C’est une technique qui a fait ses preuves pour briser la monotonie d’une présentation d’une heure et un bon moyen de garder 200 personnes concentrées jusqu’à la fin.»

Marie Mascré, cofondatrice avec son mari Sylvain Dadé de l’agence SoWine, a décidé d’automatiser un rendez-vous d’équipe, chaque vendredi soir. «Nos apéros de fin de semaine ont des allures de meeting ludique, relate-t-elle. Ils sont un moyen de nous détendre, mais ils permettent aussi d’échanger de façon informelle à propos de nos découvertes en vins, spiritueux, mais aussi en cocktails sans alcool ou en thé, la consommation
d’alcool n’étant évidemment pas obligatoire!»

Émotions amplifiées

Avec la distance, être à l’écoute et aux petits soins avec ses équipes est plus que jamais indispensable. Grâce à l’outil Glint, Fabienne Arata, dirigeante en France de LinkedIn, peut prendre le pouls de ses équipes en permanence et recenser leurs attentes en temps réel. «Nous avons constaté que le télétravail et l’isolement chez soi génèrent des changements d’humeur et d’état d’esprit incessants, de jour en jour, explique-t-elle. Lorsqu’on est chez soi, on est beaucoup plus sensible à l’actualité et à ce qui se passe dehors. En termes d’émotion, tout est amplifié.» Depuis le début de la crise, Fabienne Arata a également pris cette petite habitude: passer chaque jour de courts appels personnels de trois à quatre minutes avec des collaborateurs, au hasard, comme si elle les croisait au détour d’un couloir…

Lorsqu’on travaille à distance, les moments pour souffler sont précieux. Or, un grand nombre de cadres enchaînent appels et tâches sans prendre le temps de souffler… «En télétravail, avoir un équilibre est encore plus essentiel, analyse Gérald Karsenti, président en France de SAP. Nous essayons de sensibiliser nos collaborateurs afin qu’ils structurent et organisent leurs priorités le mieux possible. Nous laissons également des récréations dans la journée, en prévoyant un laps de temps de cinq à dix minutes entre les appels et en alternant les sujets de fond et les discussions plus informelles.»Car, en télétravail, sonner la fin de la journée n’est pas toujours évident. Paradoxalement, il est parfois plus difficile de fermer son ordinateur que de prendre l’ascenseur et quitter le bureau. Paradoxalement, il est parfois plus complexe de fermer son ordinateur que de prendre l’ascenseur et quitter le bureau.

Source : Le Figaro


Christophe André, Alexandre Jollien, Mathieu Ricard en live pour leur "Abécédaire de la sagesse"

Une soirée pour lâcher prise et revenir à l’essentiel ! Christophe André, Alexandre Jollien et Matthieu Ricard ont réuni leurs réflexions sur la sagesse dans un abécédaire lumineux (en librairie dès le 4 novembre). 

150 clés pour naviguer par tous les temps (angoisses, colère, mal-être, écologie, optimisme,…) et mieux vivre en cette période incertaine. 






Deux inestimables carnets de Darwin "volés"

 Deux inestimables carnets de Darwin "volés" : l'université de Cambridge lance un appel à l'aide

Une image en gros plan du croquis emblématique de "l'Arbre de Vie" de Darwin Crédits :  UNIVERSITY OF CAMBRIDGE - AFP


L’université de Cambridge a lancé mardi un appel pour retrouver deux carnets de notes de Charles Darwin qu’elle conservait dans sa bibliothèque, et qu'elle considère désormais comme volés. L’un d'eux contient l'esquisse d’"arbre de la vie" du naturaliste, devenu symbole de sa théorie de l’évolution.

Mais où sont passés les carnets de notes de Charles Darwin ? Ils étaient stockés dans la bibliothèque de l'université anglaise de Cambrigde mais ils ont disparu. Après des années de doute et de recherches, c'est seulement aujourd'hui que la célèbre faculté s'est décidée à annoncer qu'ils ont été volés et qu'ils rejoignent donc la liste d'Interpol des œuvres d'arts volés... L'université lance un appel pour retrouver les précieux carnets.

La dernière trace de ce patrimoine scientifique et historique remonte à septembre 2000. La boîte qui contient les notes, pas plus grande qu'un livre de poche, est sortie de la salle des objets précieux pour être photographiée.

Six mois plus tard, contrôle de routine : les carnets ont disparu. Pendant des années, l'université est persuadée qu'ils ont été mal rangés. La bibliothèque de Cambridge compte des millions de livres, de manuscrits et de cartes, classés sur l'équivalent de 210 kilomètres d'étagères. La plus grande recherche de l'histoire de la bibliothèque est lancée, mais vingt ans plus tard, toujours rien. 


"L'arbre de vie", le socle de la théorie de l'évolution de Darwin introuvable

Les deux carnets introuvables renferment pourtant un trésor scientifique. C'est sur l'un deux qu'en 1837, Charles Darwin esquisse "l'arbre de vie", le socle de sa théorie de l'évolution. Il le dessine alors qu'il est à bord du navire scientifique Le Beagle. Ces carnets sont estimés à plusieurs millions de livres sterling.

L'université a décidé de lancer un appel pour retrouver les carnets aujourd'hui, le 24 novembre. Une date symbolique puisque c'est l'anniversaire de la première publication de "l'Origine des espèces", ouvrage majeur du naturaliste et paléontologue britannique.

Chargé de l'enquête, le sergent-détective Sharon Burrell, de la police du Cambridgeshire, a déclaré : 

Nous demandons à toute personne ayant une quelconque connaissance de l'endroit où se trouvent ces carnets inestimables de nous contacter. Ils sont extrêmement précieux et importants, tant pour l'université que pour quiconque s'intéresse à l'histoire des sciences.

Cambridge met en place un mail spécifique pour récolter des témoignages. Sur son site, voici le message que l'on peut découvrir : "Quelqu'un, quelque part a sûrement des informations qui pourraient nous aider à remettre ces carnets à leur place : dans le cœur de l'héritage culturel et scientifique du Royaume-Uni."


Le mail : ManuscriptAppeal@lib.cam.ac.uk

Luc Ferry : philosopher à la lumière de la mythologie

Philosophe, écrivain, ancien ministre de l'éducation nationale, Luc Ferry a initié la série La sagesse des Mythes aux éditions Glénat. Au cours de cette conférence, il revient sur les récits qui ont fondé notre civilisation.




mardi 24 novembre 2020

Albert Kahn : Rêver d'un monde nouveau

Lorsque Albert Kahn s’éteint en novembre 1940, la guerre est là. Ce qui l’a mobilisé toute sa vie, la recherche de la paix, est un échec. Le krach boursier de 1929, ainsi que les sommes englouties dans le mécénat, ont ruiné ce banquier philanthrope. 

Abraham Kahn est né en 1860 dans une famille juive alsacienne de marchands de bestiaux, contrainte de devenir allemande après l’annexion. Devenu Albert, le jeune homme de 16 ans monte à Paris et devient employé de banque. Il suit des cours du soir avec l’aide d’un répétiteur, Henri Bergson, alors étudiant à l’ENS et qui restera son ami toute sa vie. Au sein de la banque Goudchaux qui l’emploie, Albert Kahn se distingue par son flair pour les investissements juteux. Il grimpe les échelons jusqu’à devenir associé puis crée sa propre banque en 1898. Le voilà millionnaire. 

Profondément humaniste, il décide de consacrer sa fortune à la connaissance entre les peuples et à "l’établissement de la paix universelle". Tout au long de sa vie, le banquier mécène imaginera toutes sortes de moyens pour mettre en œuvre ce dessein et favoriser le dialogue international. 

Il fait d’abord aménager une propriété à Boulogne-Billancourt où il recevra intellectuels, artistes, scientifiques, prix Nobel de la paix du monde entier afin qu’ils se parlent et échangent. Ces mondanités sont destinées à montrer à l’élite que le monde est beau, varié mais menacé et qu’il faut le protéger. Il veut transformer leur regard. Il crée un magnifique parc avec des jardins japonais, français, anglais ainsi qu’une forêt vosgienne qui lui rappelle son enfance. Son jardin est un manifeste politique où se côtoient les différences. 

Il crée en 1898 des bourses de voyage d’une année pour les étudiants agrégés et futurs professeurs. Il sent alors le nationalisme monter, il a lui-même dû quitter son village écartelé entre la France et l’Allemagne. 

Sortez, courez voir le monde ! Oubliez tout ce que vous avez appris, gardez les yeux ouverts ! Albert Kanh

Des étudiants français en bénéficient mais aussi des allemands, des américains, des anglais, des russes, des japonais. Il ne leur est demandé quasiment rien en retour, un simple rapport de voyage, mais seulement de vivre au côté d’autres cultures, de s’imprégner d’autres façons de vivre et de penser pour mieux enseigner aux futurs citoyens. Parmi les bénéficiaires, 27 femmes agrégées parcourront le monde.

Albert Khan - Amis du musée

Albert Kahn a conscience qu’il vit un tournant dans l’histoire de l’Humanité : la révolution des transports, des communications, les découvertes techniques, sont en train de transformer le monde, de l’uniformiser, de l’occidentaliser. Il se met alors en tête de garder des traces des civilisations qui le peuplent. A partir de 1908 il se lance dans un projet inouï : réaliser un inventaire photographique de la vie des Hommes sur terre et constituer ce qu’il appelle les Archives de la planète. Précurseur à l’affût des inventions de son temps, il achète aux frères Lumière leur procédé d’autochrome qui permet d’obtenir des images couleurs ainsi que leurs appareils de cinéma. A partir de 1908 et durant plus de 20 ans, Albert Kahn va envoyer dans 60 pays des photographes et des opérateurs afin de fixer "une fois pour toutes des aspects, des pratiques et des modes de l’activité humaine dont la disparition fatale n’est plus qu’une question de temps". Il documentera aussi de manière très riche le premier conflit mondial de 14-18 et ses ravages sur la vie des civils. Il rassemblera au total 4 000 clichés noir et blanc, 72 000 autochromes couleurs, et 183 000 mètres de films.

On connaît peu de choses de la vie privée d’Albert Kahn. Il n’a laissé finalement que peu de témoignages de la part de ceux qui l’ont côtoyé. Pourtant, sa démarche universaliste est profondément touchante et les images qu’il a contribué à produire ont une valeur inestimable pour l’Histoire de l’Humanité. Sa démarche résonne étonnamment aujourd’hui que nous vivons un basculement planétaire lié à la révolution numérique et à l’effet de l’activité humaine sur le climat.

Intervenants

  • Delphine Allanic, documentaliste au musée Albert Kahn
  • Yaelle Arasa, histoirienne
  • Gilles Baud-Berthier, historien, conservateur du patrimoine
  • Michel Farris, jardinier en chef des jardins du Musée Albert Kahn 
  • Serge Fouchard, documentaliste au Musée Albert Kahn
  • Adrien Genoudet, chercheur en histoire visuelle
  • Frédérique Le Bris, chargée de valorisation film et audiovisuel au Musée Albert Kahn
  • Anne Sigaud, historienne, chargée de recherche au Musée Albert Kahn
  • David-Sean Thomas, chargé d’exposition au Musée Albert Kahn


lundi 23 novembre 2020

EL PAIS : Amin Maalouf "Nos frères inattendus"

 VU D'AILLEURS - Avec son dernier roman Nos frères inattendus, une dystopie présentant des similitudes avec la crise qui ravage la planète, l'auteur franco-libanais tire l'alarme mais garde espoir.

Par LENA

Publié le 20 novembre 2020 à 13:31

Par Juan Cruz (El País)



Dans cette maison calme du quartier de l'Étoile, à Paris, habite, entouré de tableaux reposants et de livres qui narrent combats et idées, un homme paisible que la vie et l'observation qu'il en fait ont transformé, comme dans le célèbre roman d'Albert Camus, en homme révolté. C'est Amin Maalouf, Français d'adoption né à Beyrouth en 1949, académicien de la langue de son pays d'accueil, auteur d'œuvres célèbres telles que Léon l'Africain ou Origines, son voyage à travers le monde sur les traces de ses ancêtres.

Désormais, il pense qu'il faudra un miracle pour que cette planète redevienne « un endroit où il fait bon vivre ». Son dernier roman, Nos frères inattendus, est une dystopie qui ressemble à une réalité possible : la planète sombre dans l'obscurité en raison d'une panne de courant qui rompt d'un seul coup tous les liens. Une île minuscule sur laquelle vivent les personnages est le théâtre dans lequel les protagonistes de cet étrange court-circuit mondial dénouent les fils qui enserrent l'humanité, dans un drôle d'hymne à la fraternité inspiré par les enseignements de la Grèce antique.

C'est une fiction qui nous plonge dans le dérèglement du monde, titre de l'un de ses derniers essais. Toutefois, elle ne se lit pas seulement comme un roman, mais aussi comme un signal d'alarme, que résume le titre de l'unique œuvre de la romancière qui tient l'un des rôles principaux : L'avenir ne vit plus ici. Nous sommes en danger, selon Maalouf, et pas seulement dans ce qui sort aujourd'hui de son imagination de conteur de fictions.


EL PAÍS. - Comment êtes-vous arrivé à cet exercice de divination littéraire ?


Amin MAALOUF. - J'avais déjà terminé l'écriture de ce livre avant la crise actuelle, et en réalité, je me suis demandé s'il valait mieux le sortir aujourd'hui ou attendre. Ensuite, je me suis dit qu'il était utile pour décrire les choses qui se passent actuellement. C'est vrai qu'il s'agit d'une œuvre empreinte de nostalgie et d'utopie. J'ai observé le monde ces dernières décennies, et j'ai déjà écrit quelques essais décrivant ce qui allait mal. Les Identités meurtrières, Le Dérèglement du monde, Le Naufrage des civilisations... J'ai la sensation, très forte, que nous sommes sur une mauvaise voie. Si nous restons sur cette voie, nous arriverons à la pire des situations. Il nous faut imaginer une autre société. J'ai choisi ce moment de l'histoire, la splendeur de la Grèce, parce que cette époque me paraissait correspondre à l'enfance d'une l'humanité qui n'avait jusque-là pas engrangé beaucoup de connaissances. Puis, soudain, sur deux à trois générations, il s'est passé quelque chose qui prouve que notre espèce a la possibilité de réaliser quelque chose de totalement inattendu. C'est de là que vient le titre. Il s'agit bien entendu d'une allégorie : la réalité n'est pas celle qui est décrite dans cette fiction. Mais après avoir écrit ces essais, j'avais besoin de dire qu'il y avait de l'espoir, que peut-être, un jour, quelque chose de différent se produirait.


Ce qui n'arrive jamais, c'est que l'ensemble de l'humanité soit victime d'un accident. Or, dans cette crise, nous avons tous subi le même accident

Amin Maalouf

Les personnages sont confinés sur une île reculée de l'Atlantique qui devient le centre du monde. On ne peut pas lire ce livre et ne pas penser à la pandémie.

Chacun d'entre nous pourrait, un jour, être victime d'un accident. On sort de chez soi, et en une fraction de seconde, on peut glisser, tomber et se briser les os. S'en suivront peut-être des mois ou des années d'hôpital. Ce qui n'arrive jamais, c'est que l'ensemble de l'humanité soit victime d'un accident. Or, dans cette crise, nous avons tous subi le même accident. Cela n'était jamais arrivé auparavant, et cela n'aurait pas pu se produire, car jamais nous n'avions été autant interconnectés. C'est la première fois que nous sommes tous confrontés au même problème. Et nous nous sentons extrêmement vulnérables. La maladie en elle-même est beaucoup moins virulente qu'Ebola ou la grippe espagnole de 1918, mais elle a fait s'arrêter d'un seul coup le monde entier.

Nous avons des manières très différentes de réagir à cette situation, et en même temps, nous partageons le même destin. Ce qui se passe dans une province de Chine se passera à Milan, à New York, partout. Et malgré cela, nous ne sommes pas unis : pas même en Europe, et pas même à l'intérieur d'un même pays. C'est vraiment une métaphore de ce qui nous arrive... J'ai écrit ce livre avant tout cela, parce que les obstacles auxquels nous sommes confrontés existaient déjà. Ne pas arriver à travailler ensemble, ne pas pouvoir construire l'avenir en étant tous unis... Ils sont là, partout dans le monde, y compris là où l'on commence à préparer l'avenir ensemble. L'Europe ne fonctionne plus, l'ordre mondial a entièrement disparu.

Alors, vers quoi nous dirigeons-nous ?

N'importe quoi peut se produire, n'importe quel conflit : une nouvelle guerre froide, mais pas nécessairement froide. Nous pouvons aller dans n'importe quelle direction et nous n'avons aucun moyen d'y résister. Nous pourrions avoir une alerte nucléaire, ou d'autres types d'alertes. Notre monde peut s'arrêter par la volonté d'une seule personne, ou par sa propre volonté. Tout peut s'arrêter pendant que nous nous demandons où nous allons. Ce roman est le fruit de mon inquiétude pour le monde, telle que je l'ai déjà exprimée dans mes précédents livres, et en même temps, je voudrais garder l'espoir que notre espèce soit capable de produire quelque chose qui empêchera une catastrophe majeure.

L'Antiquité qui vole au secours de l'humanité, et des États-Unis, dont le président dirige le monde. Les frères inattendus qui impulsent le changement, à la stupeur de Milton, nom que vous avez donné à celui qu'incarnerait aujourd'hui Donald Trump... Vous n'avez pas l'air d'avoir pensé à Trump...

Non ! Ha ha ha ! Ces frères inattendus signifient qu'aujourd'hui, il nous faut un miracle, sous une forme ou une autre, mais au lieu d'imaginer un miracle dont seul Dieu connaîtrait la provenance, j'ai tenté d'imaginer un miracle qui s'est produit dans l'histoire de l'humanité, dans l'Antiquité, lorsque nous avons réalisé quelque chose d'inattendu. Un miracle qui, j'en ai l'espoir, se produira à nouveau un jour. En ce qui concerne les États-Unis, j'ai toujours été fasciné par la vie politique de ce pays. Ce qui m'a paru intéressant, c'est la comparaison avec 1492. À cette époque, des civilisations ont été surprises de rencontrer quelque chose qu'elles ne connaissaient ni n'attendaient, et immédiatement, elles sont devenues obsolètes, et de là est venue leur destruction... Qui, aujourd'hui, représente notre civilisation ? Je ne pouvais faire autrement que choisir quelqu'un qui se trouve au centre du pouvoir, dans le lieu le plus important du monde.

Chaque Administration américaine, l'une après l'autre, a détruit cette position de pouvoir qui lui imposait d'être le parrain de l'ordre mondial. Au lieu de cela, ils ont détruit l'ordre mondial

Amin Maalouf

La réalité, toutefois, est que ces quatre dernières années, cette personnalité a été incarnée par Donald Trump... Vous citez Shakespeare : «Un ciel si sombre ne pouvait s'éclaircir que par un orage».

Pendant au moins un siècle, on a parlé du déclin du monde, et à chaque fois, on a cité Spengler, et on a fini par prouver que les Cassandres s'étaient trompées. L'hégémonie de l'Occident a fait face à toutes sortes de menaces, et que celles-ci viennent du communisme ou de puissances d'Asie, à chaque fois, l'Occident a démontré sa capacité de les surmonter. Ensuite, l'Occident est sorti vainqueur de la guerre froide. Et pas seulement l'Occident, mais une superpuissance, les États-Unis, qui avait déjà gagné les deux Guerres mondiales et qui gagne ensuite la Guerre froide, qui a été une sorte de Troisième Guerre mondiale contre l'URSS et les communistes. À ce moment, on avait l'impression que la suprématie américaine durerait toujours. Ce que nous avons vu, c'est qu'une superpuissance pouvait, à cause de ses erreurs, perdre sa position hégémonique, une administration après l'autre, jusqu'à arriver à la dernière en date, qui est une caricature de toutes les précédentes.

Pourquoi cette histoire s'est terminée par une caricature ?

Je pense que ce qui s'est passé ces 30 dernières années, c'est une série d'erreurs, parfois dues à l'ignorance, parfois à l'arrogance, mais chaque Administration américaine, l'une après l'autre, a détruit cette position de pouvoir qui lui imposait d'être le parrain de l'ordre mondial. Au lieu de cela, ils ont détruit l'ordre mondial. Ils se sont embarqués dans toutes sortes d'aventures et, ce qui est pire, ils ont perdu leur légitimité morale. Les États-Unis sont censés être le ciment de la légitimité et de la décence morale du monde. Ce qui s'est passé avec le président qui achève aujourd'hui son mandat, c'est un effondrement total. Les États-Unis ont perdu leur autorité morale, et il n'y a plus personne qui a une telle autorité.

Ce livre semble être une tentative d'éteindre des incendies qui ravagent le monde entier.

Oui, jusqu'à un certain point. Le narrateur décide de quitter sa vie d'avant pour se rendre sur une petite île et observer sereinement le monde, mais à un moment, cette sérénité se fissure. Même la petite île où il habite se retrouve affectée par les conséquences de ce qui se passe sur la planète. J'ai bien entendu moi-même cette tentation de me réfugier sur une île pour tenter de comprendre ce qui se passe dans le reste du monde, mais on ne peut être totalement serein lorsque tout est en ébullition. Il ne suffit pas d'être lucide. Il arrive un moment où l'on voudrait crier « cessez cette folie ! » Il nous vient l'envie de hurler au capitaine du Titanic « freinez, on fonce tout droit sur l'iceberg ! » Le roman est peut-être un moyen de crier pour faire cesser la folie, d'imaginer qu'autre chose est possible.

Je pense que le monde d'aujourd'hui est un endroit bien plus cruel qu'à l'époque de Camus. Il y avait alors un certain sens de la décence qui a disparu. Il règne aujourd'hui une cruauté généralisée, un irrespect de tout

Amin Maalouf

Dans le livre, un incendie survient au Potomac. Impossible de ne pas penser au récent incendie au port de Beyrouth...

Évidemment, ce qui s'est passé à Beyrouth me touche, mais je ne peux m'empêcher de me dire que c'est le reflet du pays où je suis né, d'un monde qui est devenu fou, dans lequel il n'y a pas de règles, dans lequel les petits pays sont abandonnés à leur sort... Dans notre monde, les gens ne peuvent pas ou ne savent pas vivre ensemble, ils ne savent pas surmonter les différences de religion, de couleur, ou autres. Les gens s'étouffent dans leur propre identité et dans leur confrontation aux autres... Je pense que nous sommes déjà assez arrivés loin dans le processus d'autodestruction. Il nous faut réagir, imaginer quelque chose de différent, un genre de lien nouveau entre les nations et les communautés humaines. Nous devons réinventer le monde.

Votre personnage dit «Ces dernières années, le monde a servi de champ de bataille pour le pillage et la haine. Tout a été dévoyé : l'art, la pensée, les idées, l'écriture, l'avenir, le sexe, la collectivité». Cela paraît évident que cette phrase, c'est vous qui la prononcez.

Au cœur de ce récit, il y a une histoire d'amour entre un homme qui dessine des caricatures et une femme qui écrit des romans. Je suis, en quelque sorte, le parrain de ce couple. Je dirais que les idéaux de ces deux personnages - Alec et Ève - viennent de ce que moi, je ressens. Il essaie de décrire le monde, contre lequel il n'est pas fâché. Elle, par contre, l'est, et ces deux visions sont les miennes. Leur opposition ne les empêche pas de nourrir un amour. Je pense que les contradictions entre ces deux personnes sont celles qui m'habitent. Parfois, je regarde l'humanité avec sérénité, depuis la distance qu'offre l'île, mais en même temps, les choses qu'Ève dit, je les tire du plus profond de mon être. La révolte contre le monde tel qu'il devient est quelque chose de très présent chez moi.

Albert Camus a écrit, dans L'Envers et l'Endroit , «la belle chaleur qui régnait sur mon enfance m'a privé de tout ressentiment...» On s'en souvient aujourd'hui, quand à Paris, au lendemain de l'assassinat d'un professeur français par un fanatique djihadiste, on cite la lettre de remerciements que Camus a envoyée à son maître d'école.

Je pense que le monde d'aujourd'hui est un endroit bien plus cruel qu'à l'époque de Camus. Il y avait alors un certain sens de la décence qui a disparu. Il règne aujourd'hui une cruauté généralisée, un irrespect de tout. Cette nouvelle m'a chamboulé... Une société comme la nôtre, en France, se sent impuissante. Elle devrait être capable de changer les gens, de les intégrer, mais de toute évidence, elle n'y parvient pas. On a l'impression de ne plus savoir quoi faire, de ne plus savoir comment éviter que ces comportements nous transforment nous-mêmes. Le ressentiment nous amène à rechercher la vengeance. C'est l'un des problèmes qui me préoccupent le plus actuellement. Malheureusement, nous n'avons pas de solutions pour ce genre de difficultés. En tout cas, pas de bonnes solutions. On parle, on essaie de se consoler, mais on ne sait pas quoi faire. Nous n'avons aucune idée de comment résoudre ce problème.


Pour citer de nouveau Camus, vous êtes peut-être devenu un homme révolté...

Je le suis. Absolument. Malheureusement, nous avons encore plus de raisons d'être révoltés qu'à l'époque de Camus, parce que le monde a perdu tout sens de l'orientation. On se tape la tête contre les murs. Dans le livre, c'est Ève qui me permet le mieux d'exprimer ma révolte : elle est profondément révoltée, et chaque mot qui sort de sa bouche traduit la révolte qui habite mon être.

Elle intitule elle-même son roman L'avenir ne vit plus ici.

Il faudra un miracle pour que cette planète redevienne un endroit où il fait bon vivre.


vendredi 20 novembre 2020

Franck Ferrand sur Radio Classique

 

Le théatre français dans la révolution


Delphine Buisson : J'entends des mots d'amour

 

Un texte sur le travail , le monde du travail , les univers professionnels, les femmes et les hommes qui les composent. Les mots sont arrivés le matin au réveil vers 5h. Je partage.

Gérard Araud : Good morning América

Biden et les relations internationales
Passer de Trump à Biden, qu’est-ce que ça changera dans les relations internationales ?

On peut le résumer en une expression : ‘’le retour à la normale’’ après un président imprévisible qui prenait des décisions sans consulter ni informer les pays même s’ils étaient directement concernés, qui ne croyait ni aux alliances ni aux valeurs démocratiques et qui ignorait dialogue et négociations.  

https://www.franceinter.fr/emissions/good-morning-america/good-morning-america-20-novembre-2020



 

jeudi 19 novembre 2020

Mickael Mangot : Peut-on vraiment revivre la crise ?


Homo Econovirus
L"Humaine, l'Economie et la Finance à l'heure du virus



Comparer la crise actuelle à la Grande Dépression a-t-il du sens ?

https://www.podcastics.com/podcast/episode/3-peut-on-vraiment-revivre-la-crise-de-29-27249/

Des dirigeants politiques, en France et aux Etats-Unis, ont fait le parallèle entre la crise actuelle et la Grande Dépression. Ont-ils eu raison de le faire ?  S’achemine-t-on vraiment vers une dépression aussi puissante que la plus grande crise économique de l’histoire ?

En quoi une dépression économique est-elle fondamentalement différente d'une simple récession ? Qu'est-ce qui fait passer de l'une à l'autre ? Les responsables politiques peuvent-ils inverser le cours des choses ?

Un décryptage pour savoir si l'on risque de revivre le scénario des Raisins de la colère, le roman de Steinbeck.







mercredi 18 novembre 2020

Barak OBAMA : Une terre promise

François Busnel a décroché l’unique interview française de Barack Obama pour la sortie de son livre « Une Terre Promise »


Dans le premier volume de ses mémoires présidentiels, Barack Obama raconte l'histoire passionnante de son improbable odyssée, celle d'un jeune homme en quête d'identité devenu dirigeant du monde libre, retraçant de manière personnelle son éducation politique et les moments emblématiques du premier mandat de sa présidence - une période de transformations et de bouleversements profonds.

Barack Obama nous invite à le suivre dans un incroyable voyage, de ses premiers pas sur la scène politique à sa victoire décisive aux primaires de l'Iowa, et jusqu'à la soirée historique du 4 novembre 2008, lorsqu'il fut élu 44e président des États-Unis, devenant ainsi le premier Afro-Américain à accéder à la fonction suprême.

En revenant sur les grandes heures de sa présidence, il nous offre un point de vue unique sur l'exercice du pouvoir présidentiel, ainsi qu'un témoignage singulier sur les ressorts de la politique intérieure et de la diplomatie internationale. Il nous entraîne dans les coulisses de la Maison-Blanche, du Bureau ovale à la salle de crise, et aux quatre coins du monde, de Moscou à Pékin en passant par Le Caire. Il nous confie les réflexions qui l'ont occupé à certains moments cruciaux - la constitution de son gouvernement, la crise financière mondiale, le bras de fer avec Vladimir Poutine, la réforme du système de santé, les différends sur la stratégie militaire des États-Unis en Afghanistan, la réforme de Wall Street, le désastre provoqué par l'explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon, et enfin l'opération commando qui a conduit à la mort d'Oussama Ben Laden.

Une terre promise  est aussi un récit introspectif - l'histoire du pari qu'un homme a lancé à l'Histoire, d'un militant associatif dont la foi a été mise à l'épreuve sur la scène internationale. Barack Obama parle sans détour du défi colossal qu'il lui a fallu relever : être le premier candidat afro-américain à la présidence, incarner "l'espoir et le changement" aux yeux de toute une génération galvanisée par la promesse du renouveau, et devoir à chaque instant prendre des décisions d'une gravité exceptionnelle. Il évoque la façon dont sa vie à la Maison-Blanche a pu affecter sa femme et ses filles, et parle sans fard des moments où il s'est retrouvé en proie au doute et à la déception - sans pour autant renoncer à croire qu'en Amérique le progrès est toujours possible.

Ce livre puissant et magnifiquement écrit est l'expression de la conviction profonde de Barack Obama : la démocratie n'est pas un don du ciel, mais un édifice fondé sur l'empathie et la compréhension mutuelle que nous bâtissons ensemble, jour après jour.



mardi 17 novembre 2020

Thierry Marx : celui qui ne combat pas a déjà perdu

Thierry Marx est une figure qui détonne dans le paysage gastronomique français : par son parcours, sa personnalité mais aussi par son engagement pour de nombreuses causes. A ceux qui disent qu'il s'éparpille, il répond que tout est lié. 

Dans cet ouvrage, il revient sur son itinéraire romanesque jusqu'à l'excellence en cuisine : de cette histoire découlent tous ses engagements et ses combats quotidiens. En cette période troublée, il nous rappelle que rien n'est jamais perdu pour celui qui a un projet.




Regards d'écrivains en temps incertains : Javier Cercas

 "On se croyait protégés par le progrès, on a découvert notre fragilité totale"


De la grippe espagnole au lien entre crise et création littéraire, l'écrivain espagnol Javier Cercas nous livre son point de vue sur la crise du Covid-19. Il est notre premier invité pour ce retour de La Grande table Culture à l'heure du déconfinement.

La Grande table Culture revient, en direct, à distance et dans le respect des consignes de confinement, avec une semaine spéciale dédiée à la littérature étrangère. Cinq entretiens exceptionnels avec des auteurs de la scène littéraire internationale : Javier Cercas, Philippe Sands, Cristina Comencini, Etgar Keret et Scholastique Mukasonga. 
Parce qu’il est plus important que jamais d’entendre les grandes voix des écrivains du monde, par-delà les confinements, cette programmation est réalisée dans le cadre du partenariat de France Culture avec Les Assises internationales du Roman. Ce festival littéraire, conçu et imaginé par la Villa Gillet de Lyon, se tiendra du 11 au 17 mai 2020, sous forme virtuelle : avec des entretiens vidéo, des textes inédits, des lectures par des comédiens de grands auteurs venant du Mexique, de Chine, des États-Unis, de Turquie, et de toute l’Europe.  
Alors que l'Espagne déplore plus de 25 000 victimes, malgré un confinement parmi les plus sévères à avoir été appliqués, mais arrivé trop tard, le pays applique un déconfinement progressif : les enfants, dès le 26 avril, puis les adultes à leur tour ont ainsi retrouvé le droit de sortir dans la rue, dans le respect de limites qui restent strictes.

“Le numérique ne peut pas être une sous-division de l’action politique”, Gilles Babinet


Wiki commons - AlixDebussche - CCA SA 4.0
Vice-président du Conseil national du numérique et digital champion de la France auprès de la Commission européenne, Gilles Babinet vient de publier “Refondre les politiques publiques avec le numérique” aux éditions Dunod. Une partie de l’ouvrage s’attarde sur le numérique territorial au détour de la santé numérique, de la fracture ou de l’efficacité énergétique. Des thématiques également explorées dans une nouvelle formation en ligne qu’il pilote à destination des agents des collectivités territoriales.



Pourquoi considérez-vous que la fonction publique territoriale est le parent pauvre de la digitalisation ?

Le décrochage est principalement lié au manque de création de fonctions support et d’outils d’infrastructures. Deux facteurs sont essentiels à la transformation numérique : l’accès à un cloud performant et l’identité électronique pour faciliter la communication entre différents services. Nous ne sommes guère avancés sur ces deux chantiers. L’identité électronique n’est pas un chantier simple, marquée par une infamie de naissance qui fait craindre à certains qu’elle soit utilisée à des fins de sécurité et de coercition. Sur le cloud, bien qu’il y ait eu une prise de conscience sur l’enjeu associé de la souveraineté, il y a eu une succession d’erreurs et plus généralement une réticence à passer sur le cloud, vécu comme une perte de pouvoir. De surcroît, la culture en silos de l’administration s’oppose à la transversalité du cloud. Néanmoins, il y a aussi des initiatives à saluer, comme le programme de Développement concerté de l’administration numérique territoriale (Dcant) qui a vocation à homogénéiser les initiatives numériques territoriales, ainsi que leurs relations avec l’Etat central.

Observez-vous une acculturation plus grande des agents et des élus ?

Lorsque je m’entretiens avec des directeurs de systèmes d’information ou des Chief Digital Officer dans des régions, ils confient leurs difficultés à trouver des solutions performantes et compatibles avec le RGPD. Ce n’est que depuis quelques années que ces directions vont dans la bonne direction et articulent des stratégies autour du numérique. Elles se dotent aussi des bonnes compétences, à savoir une expertise qui mélange connaissances de l’administration publique, connaissance du change management et maîtrise des technologies. Le numérique ne peut pas être une sous-division de l’action politique. C’est pourquoi il faut encore rendre la transformation numérique plus concrète auprès des élus et des habitants pour qui le numérique reste encore de l’ordre des investissements « invisibles », comparés aux infrastructures physiques. Il y a encore cette idée que l’aboutissement d’un investissement, c’est un ruban rouge à couper !

Quels sont les signaux d’encouragement?

La fatalité dans la transformation des organisations n’existe pas. La transformation numérique a déjà généré de nouveaux métiers au sein des collectivités et modifie certaines fonctions comme l’accueil, l’instruction de dossiers et la gestion des flux documentaires. Mais la dématérialisation des procédures ne doit pas engendrer une simple transcription littérale des services physiques vers des services numériques sans en profiter pour repenser leur expérience utilisateur. Sinon, on risque de répliquer la complexité, voire de l’alourdir !

La mutualisation des investissements dans les intercommunalités est un autre signal encourageant. Cette efficacité sur les achats entraîne aussi un changement et l’émergence de nouvelles pratiques qu’il faut accompagner. A cet égard, la crise du Covid a concrètement permis de voir qui parvenait à télétravailler et qui ne le pouvait pas ; pour beaucoup, cela a été un signal déclencheur qu’il fallait accélérer.

lundi 16 novembre 2020

Maud Fontenoy et Yann Arthus-Bertrand : Bleu, un océan de solutions

Saviez-vous que le traitement contre le Sida provient du hareng ? Que plus de 22 000 molécules marines sont aujourd'hui à l'étude dans le domaine médical ? Que nombre de créatures marines ont inspiré nos révolutions technologiques ? Pour la première fois, le célèbre photographe écologiste Yann Arthus-Bertrand et la navigatrice Maud Fontenoy sont réunis dans un livre pour explorer un thème inédit : le trésor de solutions écologiques contenu dans nos océans. 

Qu'il s'agisse de trouver de l'eau potable, de se nourrir, de se soigner, de se chauffer ou de se déplacer, la mer offre à l'Homme de nombreuses alternatives durables. Autant de solutions à portée de mains pour réussir la transition écologique. 

Une centaine de photographies signées Yann Arthus Bertrand, de très nombreuses anecdotes, des chiffres clefs, un beau livre qui fait rêver et réfléchir à la fois sur la fragilité et la force de notre petite planète bleue.

 Les droits du livre sont reversés aux deux fondations des auteurs (Good Planet et Maud Fontenoy Fondation).





"(...) Quand nous regardons l'Océan, nous avons sous les yeux une immense et précieuse bibliothèque, pleine de solutions et des connaissances dont nous avons besoin pour l'avenir ... Et c'est comme si nous brulions les livres au lieu de les lire !"

dimanche 15 novembre 2020

Malene Rydahl : "Les Danois vivent dans une société de modestie, au Danemark il ne faut pas se vanter de ses exploits"

 

TEMOIGNAGES. Laurent Combalbert et Marwan Mery : "Tout le monde devrait savoir négocier"

Prise d'otages, extorsion de fonds, conflit social... Ces deux experts en situations de crise sont appelés à négocier dans le monde entier. 



Avant d'ouvrir en 2013 votre agence de négociation, vous avez exercé ce métier chacun de votre côté. Dans quel cadre ?


Laurent Combalbert : J'ai été formé aux États-Unis au sein du FBI par Gary Noesner (négociateur de la prise d'otages de Waco en 1993). Ensuite, j'ai intégré le Raid (unité d'élite de la police nationale, ndlr). Pour les Américains, négocier, c'est appliquer une méthode ultra-rigide. Au Raid, je me suis aperçu qu'une bonne négo supposait davantage l'improvisation, assise sur une grande préparation en amont.


Marwan Mery : J'ai une formation de négociateur dans la grande distribution. Des deals commerciaux à hauts enjeux, entre les fournisseurs et les distributeurs. Des négos souvent violentes, au cours desquelles j'ai été séquestré plusieurs fois...


Négocie-t-on de la même façon quand des vies sont en jeu ?

L. C. : Quand une vie est en jeu, dans une prise d'otages, par exemple, la performance n'est pas négociable : on doit être bon. Mais quand une crise menace de faire perdre à une entreprise 25 % de son chiffre d'affaires et les emplois qui vont avec, on peut aussi parler d'enjeu vital.


Vous dites aussi former des médecins à la négociation...

L.C. : Pour leur expliquer quoi faire face à un patient qui refuse de prendre ses médicaments, des immunosuppresseurs après une greffe, par exemple. On les forme à leur demande ou à celle de labos pharmaceutiques.


Négociateur, profession en vogue ?

L.C. : Oui. Nous formons des gens destinés à devenir des référents "négociation" dans les entreprises. Bientôt il y aura un service négociation, comme il y en a un financier, juridique ou marketing.


Vous avez publié des livres qui proposent une méthodologie de la négociation. Ça ne complique pas votre travail ?

L.C. : Si tout le monde savait négocier, les conflits se régleraient plus pacifiquement, et on changerait le monde. C'est pour cela aussi que bénévolement, on va dans les écoles pour apprendre aux enfants à observer ce qui se passe dans la cour de récré, à réagir en cas de bagarre, par exemple. Pour ça aussi que l'on forme des négociateurs auprès de l'ONU, pour qu'ils obtiennent l'ouverture de lignes de front afin de faire passer du ravitaillement ou des soins.

M. M. : Une fois, on avait réuni dans la même pièce la DRH et les représentants syndicaux d'une entreprise pour les former ensemble à la négociation. La première heure, c'est parti en vrille, mais en fin de journée, les syndicats nous ont dit : "On s'est rendu compte qu'on ne savait pas négocier."


Vous apparaissez à visage découvert : n'est ce pas risqué ?

M. M. : On a eu des menaces, des trucs pas possibles dans nos boîtes aux lettres, mais j'ai aussi le cas d'un forcené qui m'a remercié à la fin de l'opération de l'avoir fait sortir par la négociation. Il m'a dit : "Sinon je serais mort."


Quelqu'un qui n'a rien à perdre, c'est le cauchemar du négociateur ?

M. M. : Quand vous êtes face à un extrémiste décidé à aller jusqu'au bout, donc à mourir, c'est compliqué, oui. Notre job c'est de vérifier s'il est vraiment suicidaire ou si son enjeu est autre.


Quand vous négociez par téléphone avec des forcenés, quel enseignement tirez-vous de leur voix ?

M. M. : Il faut être attentif aux mots, à leur place, au temps de latence avant une réponse... Détecter un mensonge en observant que le forcené mélange les temps... Percevoir ces signaux, c'est se donner dix longueurs d'avance.


Vous servez-vous de votre expertise dans la vie de tous les jours ?

L.C : Généralement, quand le banquier voit "Profession : négociateur", il n'essaie pas de négocier ! D'autres nous font des concessions, alors même qu'on n'a rien demandé !

M. M. : Au quotidien, on ne tente pas de négocier 2 euros pour un DVD.

L.C. : Avec nos enfants respectifs, on a le même genre de situations : ils préfèrent filer se brosser les dents sans tenter de négocier... 

mardi 10 novembre 2020

Sylvain Tesson et Francis Hallé - Recréer une forêt primaire en Europe -...


Le biologiste et botaniste Francis Hallé, spécialiste des forêts tropicales, a lancé un appel avec son association pour faire renaître au cœur de l'Europe une forêt vierge de toute activité humaine. Il est soutenu dans ce projet par le célèbre écrivain-voyageur Sylvain Tesson.

Francis ALLE

Né d’un père ingénieur agronome et d’une mère férue d’art, d’histoire et de poésie, Francis Hallé est le benjamin d’une famille de sept enfants, issue d’une lignée de voyageurs, médecins et artistes peintres, avides de cultures différentes et de pays lointains. 

Pendant la guerre de 40, réfugié avec sa famille dans une petite propriété agricole (un hectare !) non loin de la forêt de Fontainebleau, il constate qu’un lopin de terre peut couvrir les besoins d’une famille nombreuse. Initié dans ce domaine par son père, Francis Hallé conçoit une profonde admiration pour la forêt et un grand respect de chacun des arbres qui la composent. Sous l’influence de son frère aîné, Nicolas, botaniste au Muséum de Paris, il met à profit ses études universitaires en biologie pour se spécialiser en botanique tropicale.
 Il s’installe ensuite, en famille, dans les régions tropicales pour en étudier les forêts primaires, d’abord en Côte d’Ivoire où ses enfants sont nés, puis au Congo, au Zaïre et en Indonésie.   Recherches « Toutes mes recherches ont été consacrées aux plantes tropicales, en particulier celles des forêts humides des basses latitudes. À partir de 1964, je me suis spécialisé dans l’étude de l’architecture des plantes vasculaires ; une première formalisation a été atteinte en 1970 avec le concept de « modèle architectural ». En 1978, avec l’aide des Professeurs R.A.A. Oldeman (Wageningen, Pays Bas) et P.B. Tomlinson (Harvard, Mass. USA), cette formalisation a été complétée et prolongée par le concept de « réitération ». 

L’approche expérimentale du déterminisme architectural a été employée (Rubiaceae forestières, Hévéa, Fougères arborescentes). Actuellement je travaille à une confrontation des données architecturales avec les systématiques issues de la phylogenèse moléculaire. »   Publications Entre 1960 et 2004, soixante-trois travaux scientifiques ont été publiés, en français, anglais, espagnol ou portugais. Ce chiffre ne tient pas compte des articles de journaux ou de revues, des préfaces, des textes de films, interviews, etc. Il est également l’auteur de nombreux livres publiés chez Actes Sud, Muséo Editions, Arthaud, Livre de Poche … Il est conseiller scientifique et co-scénariste du film Il était une forêt réalisé par Luc Jacquet. Distinctions • Membre correspondant du Muséum National d’Histoire Naturelle (Paris) et de la Botanical Society of America (Saint Louis du Missouri). • Membre à vie de la Malayan Nature Society - Médaille Fairchild (USA). • Docteur Honoris Causa de l’Université Internationale de Floride (Miami). • Médaillé de l’Explorers Club de New York. - Prix de l’Académie française.