Le travail à distance occasionne un certain nombre de dépenses. Comment sont-elles prises en charge ?
Un travail de fond doit être entrepris pour lister tous les foyers de dépenses du télétravailleur. Le Figaro |
Ici, c'est une entreprise spécialisée dans l'énergie qui vient de profiter des dernières semaines pour équiper tous ses collaborateurs d'un ordinateur portable ; là, c'est un acteur de l'hôtellerie qui s'assure que l'ensemble des équipes dispose d'une connexion Internet personnelle et prend des mesures pour cela ; là encore, c'est une société du secteur des composants électroniques qui réfléchit à la manière d'assumer une partie des dépenses chauffage de ses salariés. Bref, ce second confinement attesté par une masse de télétravailleurs jette une lumière crue sur les frais du travail à distance. « Le dossier est devenu beaucoup plus prégnant qu'au printemps, souligne Marie Donzel, directrice associée du cabinet expert en questions sociales AlterNego, il y a deux raisons à cela : d'une part, l'expérience de mars à mai a fait émerger ces problématiques, d'autre part, nous sommes en hiver, avec un environnement de télétravail plus coûteux à gérer. »
Petits chèques
Cette prise de conscience ne signifie pas un traitement optimal des différents volets. Ces jours-ci, on voit de nombreuses entreprises s'acquitter d'un petit chèque censé recouvrir des frais mal définis. « Ce flou dont pâtit le collaborateur s'explique parce que le télétravail est encore mal pensé au niveau des textes, poursuit Marie Donzel, le distanciel est encore trop souvent considéré comme un simple outil de flexibilité ou un privilège pour telle ou telle catégorie de collaborateurs. » Selon l'intéressée, un véritable travail de fond doit désormais être entrepris pour lister tous les foyers de dépenses, comparer avec ce qui se fait déjà et proposer des pistes concrètes. La tâche est d'ampleur car différentes situations sont amenées à coexister au sein d'une même entreprise : « Par exemple, la consommation d'énergie n'est pas identique d'un foyer à l'autre. De même, les dépenses de nourritures varient beaucoup en fonction de la localisation géographique. »
Avocat associé chez Melville Avocats, Pierre Warin résume les règles applicables en droit du travail : « Dans le cadre de l'accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 sur le télétravail, les principes généraux ont été fixés, assortis d'un certain nombre d'obligations sur la prise en charge des frais professionnels de télétravail. » Les questions du matériel informatique et des outils de communication en général sont ainsi abordées. Reste que les ordonnances Macron de 2017 ne confirment ni n'éclaircissent aucun de ces points : « Forcément, cela introduit un certain flou, poursuit Pierre Warin, de manière très concrète, on ne sait pas très bien par exemple jusqu'à quel point la mise à disposition d'un ordinateur doit être prise en charge. »
Plus facile dans les grandes entreprises
L'avocat explique ainsi que ces questions se règlent souvent de manière spécifique à chaque entreprise, dans le cadre d'un dialogue social plus ou moins formalisé. « L'expérience montre que les grandes entreprises s'emparent plus facilement d'une politique cohérente de télétravail : elles ont davantage de ressources et de partenaires sociaux pour proposer et mettre en œuvre une solution globale. » En attendant, une situation est toujours en jachère, celle des repas : si le salarié ne bénéficie pas de titres-restaurants et que sa cantine d'entreprise est inaccessible, les frais de bouche au quotidien lui échoient désormais intégralement, sans possibilité d'une aide ou d'un tarif attractif, sauf avantage consenti volontairement par son employeur dans le respect du principe d'égalité de traitement.
Pierre Warin rappelle enfin que l'Urssaf prévoit un remboursement forfaitaire de frais de télétravail jusqu'à 10 euros par mois par jour de télétravail hebdomadaire pour un salarié. Par exemple, si un salarié télétravaille 2 jours par semaine, l'employeur pourra lui allouer un remboursement forfaitaire allant jusqu'à 20 euros par mois, exonéré de cotisations sociales. Pour cela, l'entreprise doit faire une demande à l'Urssaf, qui lui verse les fonds. À charge pour l'employeur de les verser aux salariés.
Deux euros par jour
Pour le moment, il n'y a pas de baromètre et/ou d'études qui fassent un point précis des dépenses du télétravailleur. Du moins pas en France car aux Pays-Bas, l'Institut national d'information sur le budget (Nibud) s'est penché sur la question. Il évalue à deux euros le coût de la journée télé-travaillée, un montant qui recouvre la consommation d'eau, de gaz et d'électricité, plus l'amortissement d'un bureau et d'une chaise. Entre autres options, les pouvoirs publics néerlandais ont proposé à leurs fonctionnaires un forfait annuel de 363 euros pour prendre en charge les dépenses précitées.
Pour Marie Donzel, plus le distanciel va se généraliser, plus cette question d'une redistribution va se poser : « Dès lors qu'une entreprise peut faire des économies sur son budget immobilier, il n'est pas anormal que son collaborateur puisse en bénéficier. » En toile de fond également, la piste d'une plus grande mutualisation : « On connaît le principe des restaurants universitaires pour les étudiants, pourquoi ne pas ouvrir des restaurants d'entreprise à des télétravailleurs (d'autres entreprises) travaillant dans le même quartier»
LE FIGARO : Par Frédéric De Monicault
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